« Au risque d’être soi » dans ‘Les nouvelles vagues’ sur France Culture

Dans cette émission, le plaisir de retrouver Anne Defourmantelle, philosophe et psychanalyste. A écouter sans modération.

 » Les nouvelles voix qui pensent la société d’aujourd’hui. Chaque semaine, un thème pour observer et comprendre le monde d’aujourd’hui. Une approche pluridisciplinaire qui donne la parole aux nouvelles générations d’intellectuels, d’artistes et d’acteurs de la société civile.

Toute cette semaine, Les Nouvelles Vagues s’intéressent au risque. 

Nous ouvrons la semaine avec la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle , auteure d’un Eloge du risque (Payot, poche 2014).

A travers de courts chapitres illustrés, pour certains, de récits de séances, elle élabore une pensée du risque pour celui qui prend la parole, celui qui ose la passion, celui qui quitte sa famille…

Elle évoquera aussi le climat lié au « risque terroriste », et l’idée politique du « risque zéro ». « 

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 » Comment (ne pas) réussir son confinement « 

 Petites pépites pour méditer… cette fois-ci, sur le rien. Magnifique.

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« Comment (ne pas) réussir son confinement »

sur France Culture, Radiographies du coronavirus diffusé le 27/03/2020.

Ecouter le podcast ici.

Avec le confinement, soudain, certain.e.s d’entre nous ont du temps… beaucoup de temps… l’occasion de redécouvrir le goût du café le matin, apprendre à faire son pain, finir ce livre abandonné sur la table de chevet et autres petits riens. Géraldine Mosna-Savoye se demande : pourquoi faudrait-il absolument faire quelque chose pour réussir son confinement ?

838_gettyimages-743699777Mercredi, je vous parlais de la place prépondérante que les autres, amis, collègues ou famille, prenaient dans nos vies pourtant confinées et censées être solitaires.
De fait, cette période inédite se prête aux paradoxes… et parmi ceux-là, il y a l’idée que notre situation extraordinaire serait toutefois le bon moment pour redécouvrir les petits riens de la vie.

On se souvient de la Première gorgée de bière de Philippe Delerm… enfin, l’occasion nous serait donnée de la savourer… À situation exceptionnelle, plaisir minuscule.
Mais l’équation est-elle si pertinente que ça ? Faut-il vraiment s’attacher aux riens quand tout se reconfigure ?

« Rien, c’est déjà beaucoup »

Serge Gainsbourg le dit très bien : « rien, c’est déjà beaucoup ».
Rien, c’est plus que le néant, c’est plus que le vide. Période de confinement oblige, à la fois libérés des interactions physiques, du travail au bureau et des sorties amicales, mais néanmoins terrifiés face à tout ce vide, tout ce néant, nous voici donc, tout naturellement, portés à le combler… et grâce à tous ces petits riens !

J’en veux pour preuve cette affiche d’un graphiste parisien, apparue dès les premières heures de confinement sur les réseaux sociaux. Son mot d’ordre : « restez à la maison » était ainsi accompagné de toute une liste de petites choses à faire pour s’occuper : lire, dessiner, jouer aux jeux vidéos, avec ses enfants, ou encore arroser ses plantes vertes.

Le tout pour, je cite : « sauver des vies ». Sauver des vies en restant chez soi, être des héros d’intérieur… cette idée m’a tout de suite parlé : j’adore rester chez moi, qui plus est sur mon canapé, qui plus est à ne rien faire. Mais bizarrement, ne rien faire, ce n’est pas forcément pour la plupart des humains : ne faire rien !

Avant ça, une foule de petits riens semblent à accomplir, comme le dit très bien cette affiche : lire, dessiner ou jouer… Et c’est là que m’est apparu le terrible paradoxe de cet héroïsme d’intérieur, la terrible ambivalence de son code d’honneur : rester chez vous, oui, mais surtout pas à ne bêtement rien faire, au contraire : faites plein de petits riens…
D’où cette question : des petits riens d’accord, mais pour quoi faire ?

Petits plaisirs, petites choses, petits riens

Regarder grandir sa plante verte, redécouvrir le goût du café le matin, ce café d’habitude si vite avalé, ouvrir, enfin, ce livre abandonné sur son étagère, se plonger dans les chefs-d’oeuvre du cinéma, ou encore apprendre à faire son pain… les conseils ne manquent pas pour faire face au vide du confinement.

L’idée revient sans cesse : enfin du temps, de l’espace, pour redécouvrir ces petits plaisirs que l’urgence nous vole d’habitude, pour s’attacher à toutes ces petites choses qui font le sel de la vie, pour reprendre goût à ces petits riens oubliés sous des couches de tâches quotidiennes.

Petits plaisirs, petites choses, petits riens. Quand on y pense, le sous-entendu est assez paradoxal : il s’agirait de remplacer notre vie quotidienne déjà faite d’une somme de choses à effectuer, par d’autres petites choses encore à accomplir. Mais d’où vient cette idée ?

Pourquoi faudrait-il toujours faire quelque chose ? Le philosophe Pascal avait bien vu que le divertissement était le meilleur remède pour éviter de penser à soi et à la mort… Mais pourquoi aujourd’hui, ce divertissement, ce quelque chose, serait-il petit, minuscule ? Serait-il de fait plus vrai, plus authentique, meilleur ? Plus mignon peut-être ?

Un manque d’ambition

Là est le problème : non seulement, nous avons peur du vide, mais quand nous voulons le combler, nous manquons cruellement d’ambition. Ce n’est pas de faire son pain ou de jouer avec ses enfants qui manque d’ambition, mais de penser que c’est là, dans ce qui serait ces petits riens, que réside une bonne vie, une vraie vie.

Aurait-on une vie sans intérêt quand elle est vide ? Quand on se fiche de faire son pain ? Quand ça nous ennuie de faire des grimaces à son enfant ? Quand on ne sait pas dessiner ? Ou, tout simplement, quand on allait au travail et qu’on buvait notre café sans y faire attention ?

Quelque chose d’ambitieux, de grand, de fou serait d’affronter le néant, mais c’est trop difficile… Mais enfin, assumer qu’on aime ne faire rien sur son canapé et qu’on aura peut-être rien tiré de ce temps confiné, c’est déjà pas mal.

Profession philosophe : Isabelle Stengers, de la science à la sorcellerie

Les Chemins de la philosophie par Adèle Van Reeth du lundi au vendredi de 10h00 à 10h55 sur France Culture. Les Chemins de la philosophie du vendredi vous emmènent chaque semaine à la rencontre de ceux qui ont fait de la philosophie leur métier.

Profession philosophe (53/74)

Isabelle Stengers, de la science à la sorcellerie

 

La philosophie est-elle une vocation ? Comment viennent les  idées ? Comment se fabrique un concept ? À quoi ressemble l’atelier du  philosophe ? Et quel rôle le philosophe doit-il jouer dans la cité ?

L’invité du jour :

Isabelle Stengers, docteure en philosophie, enseigne à l’Université libre de Bruxelles. indexElle s’est formée avec le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine, avec qui elle écrivit son premier livre en 1979, remettant en cause l’autorité de la science. Elle s’attache aujourd’hui à explorer de nouveaux modes de production de savoir, de l’hypnose à la sorcellerie.

À la recherche de la transversalité

À partir de mon intérêt pour la science et avant tout pour la physique, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas d’économie pour comprendre à la fois ce qu’était la physique, ce qu’elle n’était pas, et ce qu’elle ne devait pas essayer d’être. J’ai essayé d’élargir à la question de la production des savoirs, sachant que contrairement à la science moderne, les savoirs sont une catégorie transversale…
Isabelle Stengers

De la chimie à la philosophie

J’ai commencé à étudier la chimie parce que fille d’historiens je voulais aller quelque part où je n’étais pas déjà chez moi. Je voulais rencontrer l’étranger… sauf qu’il m’a intéressée mais ne m’a pas nourrie. J’ai switché vers la philosophie que j’ai d’abord associée à une liberté de poser les questions qu’on sent devoir et pouvoir poser.
Isabelle Stengers

Non pas « la » science, « les » sciences !

Dès qu’on dit « la » science, on fabrique une identité qui recouvre des sciences multiples. Je tends à travailler pour qu’elles prennent leur singularité. L’anthropologie est très différente de la physique, par exemple, il faut parler « des » pratiques scientifiques, leur rapport à la raison sont multiples.
Isabelle Stengers

L’hypnose

Léon Chertok m’a posé cette question : comment se fait-il que l’hypnose ait parfois été reconnue comme la pratique qui allait faire de la psychologie une vraie science, et puis est retombée dans l’enfer des illusions ?
Je me suis rendue compte qu’entre l’hypnose et le titre de science il y avait toute une histoire qui montrait les mauvais tours que joue à une science comme la psychologie le modèle de l’explication scientifique qui a fait succès en physique. Je me suis intéressée à l’histoire de l’hypnose avec Léon Chertok en cherchant en quoi elle ne pouvait que décevoir ceux qui voulaient la science en ce sens-là.
Isabelle Stengers

Sons diffusés :

  • Témoignages de Bruno Latour et Vinciane Despret, archives des Chemins de la philosophie (13/09/2019 et 12/12/2019), France Culture
  • Archive de Ilya Prigogine dans l’émission Les Après-midi de France Culture, 23/01/1978
  • Archive de Foucault dans Les Mardis de la Fondation, 17/03/1987
  • Archive de Léon Chertok dans l’émission Perspectives scientifiques, France Culture, 6/05/1986
  • Extrait du film Le Livre de la jungle, Walt Disney, 1967
  • Chanson de Anne Sylvestre, Une sorcière comme les autres

France Culture « La novlangue de G.Orwell, un instrument de domination »

 » Il y a 70 ans paraissait le roman 1984, de George Orwell, l’un des récits les plus bouleversants du XXe siècle. Dans ce livre, un régime totalitaire modifie le langage pour s’assurer du contrôle des masses. George Orwell montre comment les mots peuvent devenir un instrument de domination. »

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Lacan : le désir dans tous ses états

Les Chemins de la philosophie , France Culture, 12/07/2013 

par Adèle Van Reeth et Philippe Petit

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir les psychanalystes Clotilde Leguil et Jacques-Alain Miller à l’occasion de la parution du séminaire de Jacques Lacan de 1958 : Le désir et son interprétation.

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Le désir et son interprétation. Imaginez ce qu’il se passerait s’il nous fallait désirer et comprendre la cause du désir dans un même mouvement simultané, nous laissant croire à la possibilité d’un accès direct à ce qui nous porte à désirer. Ce serait faire du désir une idole, une puissance d’être, le faisant coïncider avec l’extase ou la joie, telle une plénitude sans reste. Par cet appétit d’être, nul doute que Spinoza fut tenté. Et il n’est pas le seul des philosophes à céder à cette exaltation. Après tout, aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des corps en monstration exhiber une telle croyance. Regardez comment j’embrasse ! Vous voyez bien quel est l’objet de mon désir. Pardon, de mon plaisir. Sauvons au moins Spinoza de cette dérive. « Il y a beaucoup de haine ou de peur à l’égard du désir dans le culte du plaisir » disait Gilles Deleuze.

Sans compter que le désir, n’est pas que le désir amoureux. Et que tous les philosophes n’ont pas fait preuve de cet appétit d’être propre à un certain hédonisme contemporain. Locke définit le désir comme « le malaise que ressent en lui un homme en absence de quelque chose dont la jouissance actuelle entraîne l’idée de joie ». Entre être et non-être, manque et plénitude, joie et souffrance, le désir participe de bien des équivoques. Son ambivalence traverse la philosophie de Platon : alors que dans Phèdre et la République le désir est la partie de l’âme qui est l’esclave du corps, opposé à la raison et à la vertu, dans le Banquet, il est cette force motrice qui exalte dans le sensible la beauté de l’Idée et donne en conséquence à l’âme sa véritable destination. A l’âme, cela peut s’entendre? Mais au désir, à l’acte qui le sous-tend, peut-on sérieusement lui assigner une destination ? Desiderare signifie en latin « cesser de contempler les astres », et par déplacement constater avec regret l’absence de quelqu’un, de quelque chose. Mais dans d’autres langues, il signifie encore autre chose. Le Wunsch allemand ne coïncide pas au « désir » français. Entre le pur et l’impur, le désir ne cesse d’osciller. Et c’est bien pourquoi le sujet y a sa part, lui, qui ne cherche qu’à trouver la place de son désir.

Alors, devant tant d’embarras : faisons au moins une pause.

Ecoutons, une heure durant, comme si c’était la première fois, ce que Lacan nous disait des tours du désir. De ses fantasmes. De sa perversion. De son extravagance. Ecoutons l’écho de notre désir.

Intervenants
  • professeure au Département de psychanalyse de Paris 8 Saint Denis, philosophe et psychanalyste de l’Ecole de la Cause freudienne
  • Psychanalyste et éditeur.

 

 

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