Me tient particulièrement à coeur, non seulement pour la qualité du texte et de son autrice, mais aussi parce que le sujet de la jouissance, du plaisir versus celui du désir (à ne pas confondre avec l’envie de pizza, de tel nouveau modèle de voiture ou de tel élan de faire du bien), est devenu central. J’y reviendrai par ailleurs, et plus tard.
Résumé de l’éditeur
Le terme de toxique, d’un siècle à l’autre, semble avoir changé de signification. Du sens propre, concernant les paradis artificiels et les stupéfiants en tout genre, nous sommes passés à un sens métaphorique. Quelle est cette substance nouvelle, qui s’est glissée entre les êtres, qui se faufile entre les interstices du monde, entre les mots et les choses, et qui dit notre fragilité et notre angoisse ? Le toxique désigne ce qui vient empoisonner nos vies, soumises à des discours qui nous prennent au corps. Si la flèche du toxikon nous vient des Grecs, elle a accompli une trajectoire traversant l’Histoire pour se planter dorénavant dans la chair de chacun. Les
prémices du toxique peuvent être trouvés dans les tourments de Törless, le héros de Musil, mais aussi dans la maladie d’amour dont souffre Emma, l’héroïne de Flaubert, comme empoisonnée par sa propre jouissance. Pour explorer cette hybris nouvelle, Clotilde Leguil démontre avec Lacan la dimension toxique du Surmoi contemporain et l’égarement de la jouissance lorsqu’elle oublie le désir.
Autour de l’auteur
Clotilde Leguil est philosophe et psychanalyste, professeure au département de psychanalyse de Paris 8 et membre de l’École de la Cause freudienne. Depuis son premier essai, Les Amoureuses, voyage au bout de la féminité (Seuil, 2008), elle explore les zones d’ombre de l’expérience de l’intime. Partant du postulat qu’il n’y a pas de consentement éclairé, son dernier essai, Céder n’est pas consentir. Une approche clinique politique du consentement (Puf, 2021), a donné une portée éthique à la distinction entre « céder » et « consentir ».
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Clotilde Leguil sur France Inter (10′) :
Aujourd’hui à 7h50, Marion L’Hour reçoit Clotilde Leguil, agrégée et docteur en philosophie, professeur au département de psychanalyse de Paris 8 et psychanalyste, co-productrice du podcast L’Inconscient, pour son essai « L’ère du toxique », sur le nouveau malaise dans la civilisation (PUF).
Du lundi 24 au vendredi 28 juillet, tous les matins de 9h30 à midi, faites-vous du bien !
L’activité physique régulière est un des éléments qui manque parfois chez mes patients. J’en ai déjà parlé dans un de mes posts précédents sur mon site professionnel, post daté de novembre 2022 et intitulé « Psychothérapie et activité physique« . Une activité physique régulière soutient et contribue à une bon équilibre psychique. Ce stage, animé par un enseignant certifié et de qualité, peut être une bonne initiation au yoga, si vous ne connaissez pas cette pratique et souhaitez la découvrir dans un cadre sécurisant et à votre rythme. Et si vous pratiquez le yoga, ce stage est une bonne opportunité de vos faire du bien !
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En travaillant avec des sons, des postures du corps et des enchaînements spécifiques autour de chacun de ces chakra, que l’on définit parfois aussi comme des centres d’énergie, il est possible de s’en servir comme support méditatif.
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Réédité aux éditions érès, cet ouvrage mérite le détour pour ce que notre époque soutient et est terreau d’une certaine folie sinon d’une folie certaine, à l’aune d’une société de l’image, du paraître, de la primauté de l’affect et de l’émotionnel soutenu par des grandiloquences et rhétoriques qui tournent à vide sur eux-mêmes. Une société et des êtres en souffrance et dans de la destructivité.Dans la préface, Mieke Bal écrit à propos de l’auteur : « Ses récits procédant de ses lectures, de ses histoires cliniques ou de détails de sa propre vie reliés à l’Histoire sont aussi saisissants que le suspense d’un roman policier autour d’un meurtre. À vrai dire, il est souvent question de meurtres d’âme, où il s’agit de comprendre comment violence et folie vont ensemble. (…) Le résultat est un livre théorique hors normes, nourri d’images et d’histoires drôles, qui peut être lu de diverses façons et à des fins différentes.Dans ma propre expérience, il s’est prêté à plusieurs relectures.«
Au Moyen Âge, la folie était traitée aussi comme une maladie cérébrale, avec des coups sur la tête et des drogues de l’oubli, tout en suscitant, dans la littérature, un intérêt passionné par sa capacité à montrer ce qu’il ne faut pas dire… Dans les Sotties-jugement, Mère Folle dont Erasme fit l’Éloge, appelle ses enfants « les Sots et les Sottes » et les lance dans un délire verbal et physique d’une grande virtuosité pour juger tel grand personnage, responsable des abus du temps, qu’ils déshabillent pour montrer aux yeux de tous le costume du fou dissimulé sous ses discours spécieux.
Dans le contexte actuel de guerre et de pandémie, la réédition de Mère Folle prend une tonalité particulière. En effet, dans un récit littéraire, l’ouvrage met en scène la rencontre anachronique des Fous d’un théâtre politique très populaire en Europe après la Grande Peste et la Guerre de Cent ans avec ceux des asiles où l’auteur a travaillé comme analyste pendant trente ans.
Demain, c’est la Toussaint. La narratrice, psychanalyste à l’hôpital psychiatrique, vient d’apprendre la mort par overdose d’un de ses patients psychotiques. Découragée, elle s’en veut et en veut à la psychanalyse de cet échec. Tentée d’abandonner son travail, elle y retourne néanmoins « à reculons ».
Débute alors un étrange voyage où des personnages surgis du passé, fous du Moyen-Âge, acteurs des Sotties – Mère Folle – se mêlent aux malades de l’hôpital, mais aussi à de grands penseurs comme Erasme, René Thom, Artaud, Wittgenstein ou Schrödinger avec qui elle engage des dialogues imaginaires. Cette traversée dialogique, qui est aussi un retour vers son propre passé, la rend capable de recevoir et mettre en actes les enseignements de Gaetano Benedetti à qui elle rend visite à Bâle pendant le Carnaval. Il lui conseille de s’immerger dans le délire de ses patients afin de devenir leur égal fraternel et de leur ménager un espace auxiliaire où pourront être rendues conscientes les « aires catastrophiques » constitutives de leur folie. Le traitement possible de la psychose est à ce prix.
Dans le contexte actuel de guerre et de pandémie, la réédition de Mère Folle qui met en scène la rencontre anachronique des Fous d’un théâtre politique très populaire en Europe après la Grande Peste et la Guerre de Cent ans avec ceux des asiles où l’auteur a travaillé comme analyste pendant trente ans, se révèle particulièrement précieuse.
Agrégée de lettres classiques, docteur en sociologie, Françoise Davoine est maîtresse de conférences émérite à l’EHESS où elle a animé pendant quarante ans, avec Jean-Max Gaudillière jusqu’à sa mort en 2015, un séminaire hebdomadaire intitulé « Folie et lien social », d’où Mère folle est issu. Psychanalyste pendant trente ans dans trois hôpitaux psychiatriques, elle exerce en libéral. Elle a donné de nombreuses conférences en Amérique Latine (Mexique, Chili et Argentine), aux USA et en Europe.
Les éditions érès vous invitent au prochain « Lundi d’érès », le rendez-vous d’échanges et de débats avec ses auteurs et l’actualité en visio sur Zoom, GRATUIT et accessible à tou·te·s
Ce livre donne la parole à des parents d’adultes ayant un handicap, sans édulcorer ni dramatiser. Ils y racontent l’épuisement, la colère, mais aussi les joies, le respect et l’amour pour leurs enfants, les relations avec les professionnels, le combat pour trouver une place et le regard que pose la société sur le handicap.
« Dialoguer entre parents, ça permet d’ouvrir des voies, de réfléchir ensemble, ça nous a fait grandir ensemble.»
Vingt ans après la parution de Mon enfant est différent (Fayard, 2000), Marielle Lachenal donne à nouveau la parole à des parents d’enfants avec un handicap aujourd’hui jeunes adultes, ainsi qu’aux frères et sœurs. Sans édulcorer ni dramatiser, ils évoquent le fil de la vie, les relations avec les indispensables professionnels, avec les médecins, leur combat pour changer le regard que pose la société sur le handicap.
Ils racontent l’épuisement, la colère, mais aussi les joies, le respect et l’amour pour leurs enfants. Ils disent l’aide des amis et la solitude, la peur, les difficultés, et également la vie possible et la vie belle : comment, en affrontant la réalité, ils ont trouvé un sens à leur expérience.
Classés par thèmes, les échanges entre parents sont enrichis de ceux de chercheurs, de sociologues qui viennent souligner l’importance de ces témoignages. Les parents veulent expliquer, transmettre, faire comprendre mais surtout donner des pistes pour construire ensemble une société plus inclusive.
Les droits d’auteur sont entièrement versés à l’association Une souris verte.
Marielle Lachenal, médecin, est mère de cinq enfants dont la dernière, jeune adulte, a un handicap complexe. Elle est militante et formatrice dans plusieurs associations du champ du handicap.
Et Anthropologue et professeur des Universités, Charles Gardou a fondé et dirige la collection « Connaissances de la diversité » aux éditions érès. À partir d’un itinéraire qui l’a confronté à la diversité humaine dans différents lieux du monde, il consacre ses travaux aux vulnérabilités et à leurs multiples expressions, dont il interroge le sens au gré de situations ou de contextes toujours singuliers, en donnant à saisir leur portée universelle.
Nourritures pour penser. L’apport de cet article va bien au-delà de la thématique qu’il aborde, l’écriture inclusive. Il propose un regard pertinent sur ces processus qui « fleurissent » et nous contaminent inexorablement, processus du « littéralisme » comme l’auteur les nomme. Sous couvert de critique d’un système dépassé à dépasser, se voulant rebelles, libérateurs, égalitaires, progressistes, créateurs, ils sont aux mêmes endroits et perpétuent dans les faits ce qu’ils reprochent par ailleurs. S’y agit du « tel est pris qui croyait prendre », d’autre chose, ou des deux – l’histoire le dira. En attendant, cet article nous invite à décoller du « pied de la lettre » pour continuer à labourer cette terre intérieure en chacun de nous, si fragile et toutefois si puissante, et qui nous fait humains, à savoir notre capacité à symboliser.
Refuser l’usage de l’écriture inclusive est une forme de résistance silencieuse qui place sans doute celle ou celui qui s’y risque du côté des réfractaires à un supposé progrès ou peut-être des fétichistes, qui sait ? C’est pourtant une façon de prémunir la langue de sa réduction à l’usage pragmatique qui ne veut y voir qu’un simple reflet du réel – sans préciser ce qu’il entend par réel. L’écriture inclusive porte en elle deux contresens qui la rendent sinon potentiellement dangereuse, du moins révélatrice d’un effet de mode assez pauvre : le déni du symbolique et l’élitisme, contrairement à ce qu’elle prétend produire.
Féminiser les noms de métier semble naturel ; la langue ne s’y oppose pas, bien au contraire : c’est l’usage du « Monsieur le ministre » pour une femme qui semblait artificiel et absurde. La langue doit suivre l’évolution des mœurs qui, grâce aux combats féministes, a vu la parité progresser et certains titres, certaines fonctions, certains métiers ne plus être la propriété exclusive des hommes.
Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Car autant le dire d’emblée : ce débat n’oppose pas, contrairement à ce que l’on veut « mettre en scène » dans les médias et les réseaux sociaux, les progressistes – émancipés, engagés pour l’égalité et la fin du patriarcat, d’un côté – et les conservateurs – frileux, immoraux, soucieux des hiérarchies et de l’exploitation sous toutes ses formes, autrement dit diaboliques, de l’autre. Présenter les choses ainsi est une stratégie dommageable à l’enjeu et qui fait glisser la question du champ philosophique et linguistique au champ militant, peu regardant quant à la transparence épistémologique et parfois même quant au but à atteindre : cette égalité même.
L’élitisme d’une langue écrite codée
Le problème est apparu en même temps que ces « points médians » découpant la terminaison des adjectifs et substantifs désormais affublés d’un genre. Ce qui relève d’une conception du discours où la référentialité au monde est ce qui assure sa légitimité comme discours.
Troubler le genre des mots renvoie génétiquement au pragmatisme américain et à la performativité butlérienne ; et, d’une certaine manière, si la performance ne produit pas de réel au sens où l’égalité serait l’effet de cette « réparation morale » injectée dans la langue, elle produit en revanche des usages qui délimitent assez clairement des milieux, créent des constellations qui, en effet, deviennent normatives non pas au sens où elles viendraient inquiéter les identités et représenter un plus grand nombre d’humains, mais au sens où elles instituent des communautés relativement intolérantes et garantes d’une éthique dont les récalcitrants seraient automatiquement des adversaires : c’est en cela que l’écriture est inclusive, elle trace des frontières entre « nous » (les gens cultivés, ceux qui ont le monopole du capital symbolique) et les autres – cette vieille stratégie d’exclusion. Les bons et les mauvais, les émancipés et les réactionnaires, les moraux et les immoraux, les tenants de la justice et de l’égalité, les promoteurs de l’injustice et de l’inégalité : une partition dont le manichéisme serait d’une naïveté confondante, s’il n’était une stratégie militante (ce qui l’absout). Étrange oxymore donc que cette « écriture inclusive », d’autant plus étrange que la langue est censée appartenir à tous.
Avant de continuer cependant, il faut rendre justice à une certaine conception de la langue dont le linguiste Victor Klemperer a peut-être fait la plus belle démonstration : elle est l’outil idéologique le plus dangereux, parce qu’à la fois le plus public et le plus secret. Nous sommes tout autant pensés par la langue que nous pensons à travers elle : ni le vocable, ni les formes stylistiques que nous utilisons ne sont neutres, malgré leur apparence de naturalité : ils véhiculent un ethos auquel nous appartenons, dont nous sommes traversés. Nous ne pouvons penser en dehors de la langue et, pourtant, Klemperer a fait ce travail remarquable de façon clandestine, lui, le Juif né dans l’Empire allemand, habitant Dresde puis différentes « maisons de Juifs » pendant la guerre, destitué de son statut de professeur mais sauvé par l’aryanité de sa femme. La mise en évidence de l’idiosyncrasie du Troisième Reich supposait une possibilité critique, autrement dit un écart entre une langue guerrière et « virile », faite d’acronymes et d’euphémismes, et une langue à même d’entendre l’idéologie infuse. La langue est normative, donc, mais pas seulement, puisqu’elle recèle des possibilités critiques – ce qui suppose qu’elle ne se réduit pas à sa seule positivité historique et idéologique.
Butler prend acte, par le biais de la lecture de Foucault, de cette normativité du langage : « Le “Je” ne se tient pas à part de la matrice prévalente des normes éthiques et des cadres moraux conflictuels », écrit-elle dans son très beau texte, Le récit de soi[1], et, parmi ces normes, le langage est le plus invisible mais le plus structurant.
Pourtant, c’est à ce point précis que s’opère un détournement. À ce point précis, à mon sens, que s’amorce la perte de la dimension qui donne son sens et sa puissance au langage et plus largement à la pensée : le symbolique.
Et c’est de cela que l’écriture inclusive est le symptôme. Un phénomène fondamental de notre époque, que porte la vulgate mainstream de la pensée dominante, pragmatique, utilitariste et immanentiste qui, sous couvert d’émancipation, dissimule assez mal sa complicité avec la logique néolibérale : la confusion entre, d’une part, l’idée d’une normativité structurante au sein du social et, d’autre part, la structure symbolique qui fait écart avec le réel, qui est irréductible au social. L’écriture inclusive promeut un tout social, une absorption par cet immense magma horizontal qu’on appelle le « social » de tout ce qui peut faire écart, critique, altérité – c’est la structure même du libéralisme, un immanentisme social sans dehors. Il pourra prendre d’autres formes, le scientisme à travers le transhumanisme, le sociologisme, l’historicisme, le relativisme culturel. Autant d’expressions d’un même schème.
L’écriture inclusive – contrairement à ce qu’elle semble vouloir réaliser – est le symptôme de l’évacuation de l’altérité. Elle est l’expression d’un monde plein, que l’art taxinomique quadrille par des classements de genre, d’espèce, de sexe. L’écriture inclusive dit le monde du naturaliste qui spécifie le vivant. Elle témoigne d’un littéralisme qui atteint tous les champs de la pensée. Le mot devient la chose – et quelle chose ? Une binarité (que récuseraient pourtant les gender) imposant la déchirure du mot : le générique est exclu, montré du doigt. Tout ce qui peut faire commun est battu en brèche. Paradoxalement, la logique queer avait déjà remplacé le nom commun par la multiplicité des termes (LGBTQIA+), longue liste ouverte à l’infini, mais pas à l’altérité. On peut comprendre la critique sous-jacente qui dénonce l’hypocrisie d’un universel abstrait. Être fier de ce qui vous exclut de la norme, le revendiquer, est une lutte salutaire pour la reconnaissance. L’histoire longue de la discrimination justifie cette forme de combat. Mais c’est précisément la forme du combat qui peut le contredire. Car, paradoxalement, cette logique dont le but premier était d’atteindre l’indifférence quant à la différence, en vient parfois à revendiquer cette différence comme identitaire. Autrement dit, il ne s’agit plus seulement de reconnaître une différence, mais de reconnaître cette différence spécifique qui se doit d’être nommée, identifiée. Une différence qui ferme plutôt qu’une différence qui ouvre. Une différence qui fige plutôt qu’une différence qui trouble. Le problème est qu’à nommer chaque différence spécifique, les identités se multiplient au détriment du commun, mais également de l’altérité : on est ainsi passé du « trouble » dans l’identité à une affirmation identitaire qui exclut l’altérité identifiée à l’ennemi, mais certainement pas à l’alter ego.
Comment penser l’autre sans la catégorie de l’Autre ; la différence, s’il n’y a que des identités ? Comment penser la langue si elle se distribue en fonction de différences qu’elle est pourtant censée subsumer ? On retrouve toute l’ambiguïté de certaines formes de combat militant contemporaines : faire reconnaître sa différence en exigeant qu’elle ne soit pas discriminante. Revendiquer sa différence, mais refuser qu’on la conçoive comme telle. Le point médian de l’écriture inclusive s’inscrit dans cette contradiction : reconnaissez l’égalité des hommes et des femmes, autrement dit l’indistinction de traitement entre eux, en imposant la différence comme signe distinctif.
Mais revenons au symbolique comme le lieu du langage. Le lieu du sens et non le lieu du réel, les deux étant radicalement hétérogènes. Qu’est-ce qui explique le négationnisme sinon – au-delà de la perversion – l’impossibilité pour le langage de prouver un fait ? Seule la précompréhension commune d’une réalité permet au langage de « fonctionner » comme possibilité du sens. Et si cette « précompréhension » ne fonctionne pas, c’est au langage d’inventer des passerelles. Ainsi en est-il de la littérature testimoniale qui cherche à rendre compte d’une réalité vécue hors des mots à des lecteurs qui ne peuvent pas « imaginer » cette réalité incommensurable à la leur.
La littérature est là qui traduit. Mais elle ne peut traduire qu’en inventant. Pour cela, les mots sont une matière première, la narration une technique, la création un rapport à la vérité qui transgresse les « normes sociales », les subvertit, pour faire advenir un excès, un surplus. Que fera l’écrivain de ces points médians, symboles d’une langue administrative de plus en plus normative ? Doit-on accepter cette immanence du social comme dernière croyance, dont le dogme administratif serait le signe ? Pour l’écrivain, la puissance administrative est l’autre nom de l’enfer : voyez La colonie pénitentiaire (1919) ou Le château (1926) de Kafka. Comment le combat émancipatoire a-t-il pu rencontrer de façon si heureuse la musique de l’administration ? A-t-on enterré la poésie ? La transgression ? Et même la pensée ? Que veut dire imposer une grammaire, quelle que soit la bonne intention qui sous-tend cette imposition ? N’est-ce pas l’ultime avatar de cette croyance en une performativité pragmatique qui n’articule plus deux régimes, le langage et l’être, mais qui ne fait que décrire des stratégies assez peu efficaces et qui ont déjà acté leur défaite en acceptant le cadre indépassable du social dans lequel elles se meuvent et s’effritent ? Et, à ce compte, si l’on adopte cette logique, pourquoi un point médian et non pas d’autres sigles incluant toutes les autres différences ? N’est-ce pas là le signe d’une binarité réductrice qui, à être nommée, enferme dans un nouveau cadre ?
Inclure était la logique du concept : un seul signifiant pour une multiplicité de référents. Multiplier dans la langue même les différences, c’est promouvoir une pensée du langage comme affadissement du réel, toujours en retard sur la richesse de ce dernier : pour un écrivain comme pour un philosophe, cette secondarisation du langage est non seulement un contresens, mais encore la ruine même de toute mise en sens du monde.
Mais revenons à une notion simple et fondatrice de la pensée de gauche : l’égalité. Que signifie-t-elle en dehors du champ conceptuel qui distingue le réel et l’idéal, offrant à la lutte son horizon ? Que signifie-t-elle quand on la veut « littérale » ? Qu’est-ce qu’une égalité sinon de proportion, sinon de droits, sinon de dignité ? Une égalité de nature ? C’est une contradiction dans les termes pour la simple raison qu’elle est une mesure, un « critère » qui juge du réel, qu’elle fait signe vers un rapport, une faculté de penser deux faits, deux choses, et de les hisser vers le champ symbolique : ce qui signifie seulement que l’égalité n’est pas l’identité, ni la mêmeté ; l’égalité n’est pensable que sur fond de différences. Aucune différence ne peut légitimer un traitement inégal : la différence, quelle qu’elle soit, doit être mise entre parenthèses pour penser l’égalité et en produire les conditions dans le réel. Égalité comme différence sont de l’ordre du symbolique – une production conceptuelle qui peut transformer le réel –, sans quoi le concept lui-même est rendu impossible : celui-là même qui rassemble sous une unité du multiple. Renoncer à l’unification du multiple, c’est renoncer à la politique et à la pensée tout à la fois. D’autant que le multiple ne peut se penser sans unité. Retour à la vieille métaphysique ? Parménide ? Platon ? Alors que des penseurs très contemporains ont proposé le rhizome comme modèle horizontal plutôt que ces vieilleries qui ont permis l’émergence de la philosophie ? On aime à abattre le socle sur lequel on érige les concepts. Mais le concept meurt de l’écriture inclusive. Séparer par le graphème l’homme de la femme comme s’ils étaient irréconciliables ou appartenant à deux humanités hétérogènes est le ferment d’une pensée pour le coup vraiment réactionnaire.
Sans doute la réaction à ce qui a été identifié uniformément comme schème patriarcal (uniformité qui soulève les méfaits du psychologisme et de la vulgate psychanalytique, revue et corrigée par les égotistes américains) est-elle justifiée : mais doit-elle fonder une nouvelle idéologie avant de se dépasser elle-même vers une pensée critique, voire transcendantale, c’est-à-dire qui interroge ses propres conditions de possibilité ?
La référence à Kant peut vite être assimilée à un crime, puisque les corpus sont désormais porteurs de valeurs plus que de pensée. Nietzsche a sa responsabilité, certes, lui qui pourtant se retournerait dans sa tombe à voir ses hagiographes se perdre dans le troupeau. Créer des valeurs, oui, mais à condition qu’elles ne soient pas au service de la mode, voire de la norme. On ne crée pas de valeurs avec une écriture inclusive : on suit, on cède, on ne pense pas. La langue redevient alors véhicule de dogmes plutôt qu’outil de libération. Et, sous des aspects progressistes, on assiste à son annexion privative, sans qu’aucune délibération n’ait eu lieu. Mais en quelle langue délibérer…
Le littéralisme
L’écriture inclusive se fonde sur l’identification du langage à un phénomène social comme un autre, au même titre qu’un autre. Ce qui est le symptôme d’un mouvement plus global que j’appelle le littéralisme ou la confusion des ordres, voire la réduction des ordres à un seul – le tout social déjà mentionné – et qui se manifeste également dans le combat sociétal plus que politique qui mise sur le changement de mœurs via son média le plus « immédiat », à savoir l’Internet, au détriment d’un combat pour le droit et l’amélioration des institutions. C’est une vision politique qui sous-tend ce changement de paradigme et qui voudrait, pour différentes raisons, abolir le droit au profit d’un tout social : cela caractérise aussi bien les mouvements d’extrême gauche que ceux d’extrême droite, mais également la croyance dans les lois du marché et repose sur une vision irénique de l’autorégulation du social, une méfiance envers le droit et l’écart entre réel et idéal pour un pur immanentisme des rapports de force – ce qui est également le schème néolibéral. L’égalité ne pourra dès lors être conçue que par la mêmeté. Ainsi, le geste d’imposer l’écriture inclusive porte en lui la croyance que l’égalité des sexes sera l’effet d’une norme discursive. Pourtant, cette imposition d’un usage qui n’est pas né de manière immanente semble contredire la foi en une autorégulation. On a là un nouveau paradoxe : les normes discursives produisent du réel ; dès lors, il faut œuvrer pour transformer ces normes. Elles deviennent alors l’expression d’une volonté politique et d’une certaine vision de l’égalité et de la représentation, volonté politique dont on peut se demander d’où elle vient et de qui elle est la voix – pas de la norme productrice de la langue puisque celle-ci était apparemment discriminante. Où s’est donc constituée cette volonté ? En dehors de la langue. C’est donc qu’il existe bien un lieu non assigné à cette normativité. Ce qui vient contredire la logique de ceux qui prétendent pourtant que le langage est uniquement une norme sociale qui produit des sujets. Ce paradoxe est aussi celui de la « représentation ».
La représentation
Cette vision politique a comme conséquence une certaine conception de la représentation : « représenter » signifie alors « ressembler ». La littéralité s’est également emparée de ce champ. À terme, c’est la représentation qui doit être abolie. En attendant, on cherche à être représenté par celui qui nous ressemble ; autrement dit, c’est la différence spécifique qui doit être représentée et non plus l’appartenance au commun. La contagion de cette croyance dans le tout social a contaminé la scène politique comme la scène théâtrale : des comédiens se sont vu reprocher leur rôle ! Sous prétexte qu’il était contraire à leur combat dans la vie civile : ainsi d’Omar Sy qui a joué le rôle d’un flic dans Police, le film d’Anne Fontaine (2020). La question même de représentation a déserté le champ du symbolique. Mais, sans doute, la notion de représentation porte-t-elle en son sein cette ambivalence native. D’un côté, il s’agit de représenter des idées, de les porter, de les « incarner », comme il s’agit d’incarner un rôle. De l’autre, il s’agit simplement d’être, de faire partie de, de ressembler à, comme si seul un chauffeur de bus pouvait représenter les intérêts d’un chauffeur de bus, ou un professeur ceux d’un professeur ; comme si également chacun devait représenter des intérêts communautaires sans les articuler avec le bien commun.
En politique, le fantasme de « société civile » relève du même principe : les gens ne défendraient que ce qu’ils sont. La distinction rousseauiste entre l’homme et le citoyen qui est au fondement du contrat social n’est plus de mise. Chacun est renvoyé à ses appartenances, il n’est plus à même de penser pour l’autre ou à la place de l’autre. La pensée élargie prônée par Kant dans le paragraphe 40 de la Critique de la faculté de juger (1790) est mise au ban. Avant même que l’injonction soit sanctionnée, elle est rendue irréalisable : il ne serait pas possible de se mettre à la place de l’autre.
La confusion est entérinée : « l’homme pense à la place de la femme » (et l’on peut remplacer homme par « a » et femme par « b »), écrase et remplace « l’homme, pour penser, se met à la place de la femme ». Déplacement de l’expression, déplacement du sens. « Se mettre à la place de » est là encore littéralisé pour désigner « prendre la place de ». « Or, sous l’expression de sensus communis, il faut entendre l’idée d’un sens commun à tous, c’est-à-dire l’idée d’une faculté de juger qui, dans sa réflexion, tient compte, lorsqu’elle pense (a priori) du mode de représentation de tous les autres êtres humains afin d’étayer son jugement pour ainsi dire de la raison humaine dans son entier, et ainsi échapper à l’illusion qui, produite par des conditions subjectives de l’ordre du particulier, exercerait sur le jugement une influence néfaste [2]. » Le particulier a pris le pouvoir sur le sens commun qui, dès lors, n’a plus à être la chose du monde la mieux partagée, mais le lieu d’une indépassable conflictualité. C’est là confondre le champ politique de la pluralité et la condition de cette pluralité, à savoir la tolérance comme l’une des conséquences du sens commun. Deux niveaux « différents », deux ordres « différents », mais renvoyés au même.
Il y a bien une réalité : la sous-représentation des femmes, des noirs, des arabes. Mais cette sous-représentation manifeste surtout une inégalité des chances et de traitement dans la possibilité d’accéder à certains postes – et c’est ce dont doit s’emparer le combat politique. Pour autant, il n’est pas certain qu’une femme représente mieux l’intérêt des femmes, c’est même là une simplification consternante. De la représentation à l’être, on assiste là encore à un phénomène de littéralisation qui indique une certaine vision de l’identité : nul ne peut en sortir, nul ne peut la déléguer, si ce n’est à son semblable – et, dans « semblable », on n’entend plus un autre être humain, mais bien celui qui additionne le plus de différences spécifiques communes. C’est le gage d’un morcellement individualiste et communautariste, où la communauté est pensée sur le modèle de l’atomisation – terreau de la pensée néolibérale qui a tout intérêt à ce que le politique s’abolisse au profit du seul social que l’économie se charge de structurer. Économie qui produit à son tour du morcellement, l’important étant d’éradiquer les corps intermédiaires. Mais la médiation a fait long feu ; dans le tout social, elle n’a pas lieu d’être. Le langage pouvait en être le gage, il essaie désormais d’épouser ce que l’on veut être le réel.
Le combat à mener
Il faudrait créer un « dictionnaire Klemperer » pour identifier et déconstruire un certain nombre d’expressions ou de mots devenus monnaie courante alors qu’ils ont une charge idéologique forte. Il s’agirait de dresser notre vigilance à la pollution du langage – à une autre époque, on l’appelait « empoisonnement ».
Le dernier livre de Myriam Revault d’Allonnes [3]a interrogé l’usage macronien des termes d’autonomie, de responsabilité et de capacité. Usage qui véhicule l’idéologie du cadre dans lequel il s’inscrit : l’autonomie est utilisée pour désigner l’indépendance et le volontarisme individuel, la responsabilité incombe ainsi au seul individu qui s’est fabriqué seul en dehors du social, la capacité relève d’une performance individuelle et d’un effort dont seul l’individu est responsable – idéologie du premier de cordée, où n’importe quel emploi se trouve au bout de la rue, si l’on se donne la peine de la traverser. C’est laisser de côté l’articulation de l’individu et du collectif dont étaient porteurs ces mots quand ils ont émergé comme concepts. C’est laisser de côté la dette de l’individu au social, et s’exonérer d’une pensée de l’endettement comme lien. Mais bien d’autres expressions pourraient être analysées. « Les charges patronales », par exemple, alors qu’il s’agit seulement de protection sociale : pourquoi un terme si péjoratif ? « Les ressources humaines », qui inscrivent l’homme dans une mesure comptable au profit de l’entreprise, lui déniant sa « dignité » puisque, en son sens philosophique, elle signifie que l’homme n’est jamais seulement un moyen mais toujours une fin en soi – ce que contredit l’expression de « ressources humaines ». Si la dignité humaine est bafouée par une certaine idéologie néolibérale, elle peut également l’être par un multiculturalisme mal compris : cette dignité est incommensurable aux appartenances des uns et des autres à une culture, à un sexe, à un genre ou à ce qu’il veut. Elle ne souffre pas de degré. Elle est ce qu’on peut appeler un absolu. Il n’est pas d’absolu dans le tout social.
On appellera également cette dignité l’humanité en l’homme. Or l’humanité en l’homme ne peut être soumise aux variations culturelles, géographiques et historiques. C’est elle qui fonde l’interdiction de la torture, de l’esclavage et de tout traitement inhumain ou dégradant. C’est également à elle que fait référence la Déclaration universelle des droits de l’homme : ce droit ne peut être relativisé, il vise un universel, même si cet universel s’articule à la pluralité. Un universel sans pluralité est une homogénéisation, mais une pluralité sans universel est une relativisation des uns au profit des autres : où l’on retrouve ce fameux multiple sans unité.
Comment penser l’inaliénable dans un tout social où l’instrument de mesure varie selon les rapports de force ? Comment penser la dignité dans un monde de pure immanence où tout s’inscrit dans le commensurable, et peut être traduit en chiffre, où tout est traductible, précisément ?
J’aurais alors envie d’en appeler à l’une des caractéristiques anthropologiques déjà évoquée par Sophocle à travers le deinon, ce « terrible » que Myriam Revault d’Allonnes fera pencher vers l’indétermination. L’homme, cet indéterminé. L’indétermination est aussi ce que revendique Mireille Delmas-Marty, prônant un humanisme juridique : à l’humanisme qui prend racine dans les Lumières et ce fameux concept de « dignité » théorisé par Kant, elle ajoute l’humanisme interrelationnel qui prend acte de l’interconnexion fondamentale des hommes entre eux, des souverainetés entre elles, des hommes et du non-humain dont la crise écologique s’est fait le révélateur ; puis elle convoque un humanisme de l’indétermination, seule garante de la responsabilité. Vouloir déterminer par le langage ce qui est de l’ordre du générique et non du genre, constitue un recul par rapport à cette indétermination – ce fameux négatif dont l’idéologie positiviste qui gouverne a voulu s’émanciper, dans un geste là encore littéraliste : le négatif est associé au mal, alors même que le négatif est ce qui permet de résister aux différents visages du déterminisme, aux différents visages de la totalité, aux différents retours de l’identité.
Notes
[1] J. Butler, Le récit de soi, Presses universitaires de France, « Pratiques théoriques », 2007.
[2] Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, § 40, dans Œuvres philosophiques, II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », n° 317, 1985, p. 1072.
[3] M. Revault d’Allonnes, L’esprit du macronisme, Seuil, 2021.
Mazarine Pingeot
Normalienne, agrégée de philosophie, docteure en philosophie, enseigne à Sciences Po Bordeaux, présidente du festival Philosophia de Saint-Émilion, écrivaine et scénariste, membre du comité de rédaction de la revue Études.
Et la peur continue (Mialet Barrault, 2021)
Les enfants et les fous. Descartes et ses lectures contemporaines (Classique Garnier, 2019)
Se taire (Julliard, 2019)
Les enfants et les fous. Descartes et ses lectures contemporaines (Classique Garnier, 2019)
Un article de fond, à lire. Alors que « La « psychiatrie biologique », qui cherche une cause biologique aux troubles, domine depuis des décennies » et « a cherché à identifier les causes biologiques et/ou génétiques aux troubles mentaux pour mettre au point le traitement adapté. Pour l’heure, sans succès probant », cet article propose de faire le point sur cette croyance encore largement répandue et ouvre les pistes pour l’à-venir : « il faut désormais tenir compte de cet échec pour repenser les approches, les politiques et les dispositifs de soin, d’éducation ou d’intervention sociale (…) les stratégies psychothérapeutiques, éducatives et sociales susceptibles de contribuer à l’accompagnement et au soin des enfants, ainsi qu’au soutien des familles. »
Nous analysons ici l’idée ancienne qu’un trouble mental peut être causé par une anomalie cérébrale. Et que, étant d’origine biologique, ce dysfonctionnement peut être solutionné par un traitement chimique, électrique ou mécanique. Une approche favorisée de longue date, mais dont les résultats demeurent limités. Car, de fait, des anomalies sont « associées » à des troubles mentaux… le problème porte sur leur causalité.
Ces prescriptions, souvent en dehors des consensus scientifiques internationaux et des dispositifs réglementaires (Autorisations de mise sur le marché et recommandations des agences de santé), viennent en contradiction avec les propos de l’OMS qui alertait, en 2022 encore, sur le fait que, « partout dans le monde […], les pratiques actuelles placent les psychotropes au centre de la réponse thérapeutique, alors que les interventions psychosociales et psychologiques et le soutien par les pairs sont aussi des pistes à explorer, qui devraient être proposées ».
L’organisation internationale adopte sur le sujet une position forte, affirmant que « pour réussir à définir une approche de santé mentale intégrée, centrée sur la personne, axée sur son rétablissement et fondée sur ses droits, les pays doivent changer et ouvrir les mentalités, corriger les attitudes de stigmatisation et éliminer les pratiques coercitives ». Pour cela, ajoute-t-elle, « il faut absolument que les systèmes et les services de santé mentale élargissent leur horizon au-delà du modèle biomédical ».
Les impasses de la psychiatrie biologique
La « psychiatrie biologique » est la transcription directe de ce paradigme biomédical.
Cette approche porte une conception biologique de la souffrance psychique : elle cherche des marqueurs (principalement neurobiologiques et génétiques) susceptibles de fonder les diagnostics psychiatriques et d’ouvrir la voie à des traitements essentiellement médicamenteux. L’organisation onusienne rappelle qu’elle a « dominé la recherche en santé mentale […] au cours des dernières décennies ». La recherche, mais aussi les politiques françaises ces vingt dernières années.
Si les institutions de santé internationales déplorent l’envahissement, et singulièrement chez les enfants, des approches biomédicales et leurs conséquences en termes de surprescription de psychotropes, ce n’est pas par dogmatisme. C’est parce qu’un état des lieux actualisé des résultats de la recherche témoigne, expérimentalement et empiriquement, des impasses des modèles inspirés par la psychiatrie biologique.
Les travaux en neurobiologie et génétique des troubles mentaux se sont multipliés de façon exponentielle ces quarante dernières années, soutenus par l’amélioration des technologies d’imagerie cérébrale et de séquençage génétique. Deux directions principales ont été explorées : la recherche d’une causalité organique des troubles mentaux d’une part, la mise au point de traitement médicamenteux d’autre part.
Malheureusement, leurs apports à la psychiatrie clinique demeurent limités et contradictoires.
La quasi-totalité des hypothèses de recherche sur les causes neurologiques et génétiques des troubles mentaux – a fortiori chez l’enfant – a été réfutée par les études dites princeps (de référence) et des méta-analyses ultérieures. Dans le meilleur des cas, divers paramètres ont pu être associés à des augmentations marginales des risques de présenter un trouble ou un autre, mais dans des conditions telles qu’elles ne permettent aucune conclusion solide. Elles n’ont donc guère d’intérêt pour les praticiens ou les patients.
Ainsi, malgré plusieurs décennies de recherches intensives :
Aucun marqueur ni aucun test biologique n’a été validé pour contribuer au diagnostic des troubles mentaux ;
Aucune nouvelle classe de médicaments psychotropes n’a été découverte depuis 50 ans, au point que l’industrie pharmaceutique a quasiment cessé depuis 2010 ses recherches dans ce domaine. Les médicaments actuels ont été découverts dans les années 1950-1970 par sérendipité, ou en sont des dérivés obtenus en tentant d’en diminuer les effets indésirables. Leur efficacité est par ailleurs considérée comme faible par les dernières publications.
Ces résultats s’appuient désormais sur une telle masse de travaux que l’idée de poursuivre sur les mêmes hypothèses neurobiologiques pose question. La probabilité de découvrir une cause biologique des troubles mentaux qui soutiendrait l’approche pharmacologique de la psychiatrie biologique ne cesse de diminuer à mesure que les études progressent.
Ce changement de perspective a commencé à émerger dans le courant des années 2000-2010 et se trouve aujourd’hui largement soutenu par les spécialistes les plus renommés au niveau international.
Les plus prestigieuses revues scientifiques sont de plus en plus sur la même ligne. Le psychiatre Caleb Gardner (Cambridge) et le spécialiste en anthropologie médicale Arthur Kleinman (Harvard) écrivaient en 2019 dans le New England Journal of Medicine :
« Bien que les limitations des traitements biologiques soient largement reconnues par les experts en la matière, le message qui prévaut pour le grand public et le reste de la médecine, est encore que la solution aux troubles mentaux consiste à faire correspondre le bon diagnostic au bon médicament. Par conséquent, les diagnostics psychiatriques et les médicaments psychotropes prolifèrent sous la bannière de la médecine scientifique, bien qu’il n’existe aucune compréhension biologique approfondie des causes des troubles psychiatriques ou de leurs traitements. »
Contrairement aux bonnes intentions des campagnes de dé-stigmatisation, qui pensaient que permettre aux personnes présentant des troubles mentaux d’affirmer « c’est pas moi, c’est mon cerveau » leur serait socialement et thérapeutiquement bénéfique, plusieurs études internationales ont montré que cela augmentait le rejet social, la dangerosité perçue et le pessimisme vis-à-vis des possibilités de guérison. Les soignants adhérant à cette conception faisaient de plus montre de moins d’empathie vis-à-vis des patients. Les patients, enfin, seraient aussi plus pessimistes quant à l’évolution de leurs symptômes et plus enclins à s’en remettre aux médicaments.
En appui de son analyse, le HCFEA s’est particulièrement intéressé à la question du Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui est considéré comme le diagnostic le plus fréquent chez les enfants d’âge scolaire, ainsi qu’à celle de la dépression, qui peut être appréhendée à plusieurs problématiques de santé mentale chez l’enfant et l’adolescent.
Pas de résultats significatifs pour l’hyperactivité
Les études en imagerie cérébrale publiées dans les années 1990 suggéraient que les avancées en neurobiologie permettraient sous peu de valider des outils diagnostiques. Trente ans plus tard, aucun test pour le TDAH n’a encore été reconnu.
Des centaines d’études en imagerie cérébrale structurale et fonctionnelle ont certes mis en évidence des différences corrélées au TDAH, mais aucune ne correspond à des modifications cérébrales structurelles, et moins encore à des lésions : le TDAH ne peut donc formellement pas être qualifié de maladie ou de trouble neurologique. De plus, elles sont quantitativement minimes, contradictoires, et ne présentent pas d’intérêt du point de vue des pratiques diagnostiques, thérapeutiques ni des politiques de santé. D’autres travaux suggéraient un déficit de dopamine ou un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques à l’origine du TDAH, mais cette perspective a été testée et réfutée.
De manière générale, les hypothèses concernant l’étiologie neurologique du TDAH sont aujourd’hui scientifiquement faibles et datées.
Les études initiales faisaient également état d’une étiologie génétique forte. Ces associations ou leur incidence causale ont été réfutées. Actuellement, le facteur de risque génétique le mieux établi et le plus significatif est l’association du TDAH avec un allèle du gène codant pour le récepteur D4 de la dopamine. Selon une méta-analyse, l’augmentation associée du risque n’est que de 1,33. Plus précisément, cet allèle est présent chez 23 % des enfants diagnostiqués TDAH et seulement 17 % des enfants contrôles. Ce qui ne présente aucun intérêt clinique.
La plupart des études n’ont trouvé aucune preuve d’une réduction de l’activité de la sérotonine chez les personnes souffrant de dépression par rapport à celles sans dépression. De plus, les études génétiques de haute qualité et de bonne puissance statistique écartent également toute association entre génotypes associés au système sérotoninergique et dépression.
Quelles conséquences sur les pratiques diagnostiques, de soin, et les politiques de santé ?
En l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe aucun lien causal établi entre mécanismes biologiques, diagnostic et traitement dans le champ de la psychiatrie, a fortiori chez l’enfant. Un déficit de sérotonine ou de dopamine ne devrait donc plus servir à appuyer la prescription d’antidépresseurs ou de psychostimulants dans le cas de la dépression ou du TDAH. Ce qui est cohérent avec la faible efficacité des traitements biologiques constatée.
De la même manière, il convient d’être prudent quant aux usages des catégories diagnostiques héritées des grandes nomenclatures comme le DSM, le Manuel Diagnostique et Statistique de la puissante American Psychiatric Association, référence au niveau international. En l’absence d’étiologie biologique, les catégories diagnostiques décrites dans le DSM ne disposent d’aucune validité scientifique : elles ne dénotent aucune entité naturelle identifiable qui pourrait être interprétée comme maladie. Il en va de même pour les diagnostics psychiatriques de la CIM-10, la Classification internationale des maladies éditée par l’OMS.
Cette absence de validité est manifeste dans la variabilité des diagnostics selon l’âge de l’enfant, la part élevée des comorbidités, et l’hétérogénéité des situations cliniques que les nomenclatures ne permettent pas de saisir finement – d’autant qu’en raison de leur épistémologie naturaliste, elles ont été construites pour être indépendantes des contextes d’occurrence des troubles.
De plus, malgré ses évolutions, le DSM souffre toujours de problèmes de fiabilité : les décisions diagnostiques prises par deux médecins à propos du même patient sont trop souvent différentes, ce qui limite leur intérêt. Compte tenu de sa faiblesse sur le plan scientifique et considérant qu’il « avait été un obstacle pour la recherche », le NIMH, principal financeur de la recherche en santé mentale à l’échelle mondiale, s’en est désolidarisé.
Le problème n’est pas seulement épistémique mais aussi politique : depuis les années 2000, la France a misé sur l’idée que ces diagnostics pouvaient fonder des recommandations standardisées de bonnes pratiques. Le résultat est décevant. Trente années de politiques de santé mentale orientées par les approches biomédicales n’ont pas empêché un accroissement de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, une augmentation des taux de suicide, un déficit chronique de l’offre de soin, une mise à mal des institutions et des équipes de soin et d’éducation, un effet ciseau entre la demande et l’offre de soin, des délais d’attente insupportables, une augmentation continue de la consommation de médicaments psychotropes…
Tenir compte des avancées de la recherche, c’est aussi considérer l’absence de résultats probants comme une évolution des connaissances scientifiques à part entière, à même de réorienter les politiques publiques et les pratiques de recherche.
Le modèle actuel de la psychiatrie biologique n’a pas tenu ses promesses, du fait notamment d’une application étriquée, voire dévoyée, de l’approche evidence-based en médecine mentale – pratique fondée sur les preuves scientifiques cherchant à appliquer les données issues de la recherche à l’expérience clinique du praticien.
S’il ne faut pas nécessairement en tenir rigueur à celles et ceux qui l’ont développé et soutenu, il faut désormais tenir compte de cet échec pour repenser les approches, les politiques et les dispositifs de soin, d’éducation ou d’intervention sociale. À cet égard, le rapport du HCFEA ne se limite pas à documenter le malaise et ses raisons : il propose de nouvelles approches et détaille les stratégies psychothérapeutiques, éducatives et sociales susceptibles de contribuer à l’accompagnement et au soin des enfants, ainsi qu’au soutien des familles.
C’est là que doivent désormais porter les efforts en termes de recherche et de politique publique.
Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l’Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d’organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI – Fondation de l’Avenir, FEDER – Région Normandie.
Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence du HCFEA.
Ma propre pratique – je reçois exclusivement des adultes, en individuel et/ou en groupe de thérapie – me montre combien beaucoup de parents sont en difficulté, manquant de repères et culpabilisant de ne pas arriver à mettre « la bienveillance et l’accueil inconditionnels » au centre de leurs contacts avec leurs enfants. Article à lire, et aussi podcasts de Caroline Goldman à écouter (vous en trouverez un relayé sur mon site, cliquer ici) si vous êtes parents, grands-parents, personnels travaillant avec les enfants…
Cet article a paru dans Charlie Hebdo dans l’édition 1603 du 12 avril. Il a été mis en ligne le 18 avril 2023. Original ici.
Depuis son livre « File dans ta chambre ! Offrez des limites éducatives à vos enfants », Caroline Goldman est au cœur d’une polémique. La psychologue défend l’idée qu’un enfant a besoin de limites pour se structurer. Elle affronte le courant de l’éducation positive, qui considère qu’envoyer un enfant dans sa chambre est une maltraitance.
Charlie Hebdo : Vous vous attirez les foudres des tenants de l’éducation positive. Qu’est-ce qui les dérange tellement ?
Caroline Goldman : Ce qui dérange les papesses autoproclamées de l’éducation positive française, c’est que je mets à mal leur belle histoire. Selon cette histoire, la parentalité serait un havre de paix et de gratifications, et moi j’arrive avec ma casquette de psychanalyste qui reconnaît le conflit, l’ambivalence et l’agressivité de l’enfant et du parent. Cette belle histoire de l’éducation positive est très vendeuse, mais cynique : elle induit les parents en erreur, et donne lieu à des préconisations éducatives malheureuses pour les enfants – parce que impropres à leur réalité psychique, à leur besoin structurel de rencontrer des limites éducatives.
Vous parvenez à parler depuis l’enfance, et non à la place de l’enfant.
C’est parce que j’écoute des enfants toute la journée depuis vingt ans, ce qui n’est pas le cas de mes détracteurs, qui n’ont jamais soigné un enfant en souffrance psychique. C’est toute la différence. Ils sont déconnectés des rouages du psychisme. Ils affirment que le « time out » [faire une coupure, mettre l’enfant à l’écart, ndlr] est une maltraitance. Mais connaissent-ils seulement la véritable maltraitance et ses effets ? Je me sens heureusement très soutenue par mes pairs.
Pourquoi cette question déclenche-t-elle autant d’agressivité ?
Ce sont d’abord des enjeux commerciaux : ces spécialistes autoproclamés de l’éducation positive sont des commerçants, ils vendent des centaines de milliers de livres, des méthodes éducatives ou de coaching parental, qui les enrichissent énormément. Et puis c’est l’ignorance. Ils pensent sincèrement qu’il y a d’un côté les gentils parents, qui ne font jamais autorité sur leurs enfants, et qui donnent lieu à des enfances libres et heureuses ; et que de l’autre côté il y a des parents qui éprouvent de l’agressivité, posent des limites éducatives, et provoquent de grands malheurs infantiles. Ils pensent vraiment les choses d’une manière aussi grossière : il y a le bon et le mauvais, et l’ambivalence n’existe pas, voilà. Ce qui est une façon de nier leur propre ambivalence, leur propre agressivité, qui transpire dans leur manière de fédérer des tribunes sensationnalistes, tout en refusant par ailleurs de débattre publiquement avec moi sur le fond.
Cela ne va-t-il pas avec le déni actuel de la sexualité infantile ?
Il y a une sexualité infantile, elle est différente de la sexualité adulte, mais elle existe. La nier, ou la mettre sur le même plan que la sexualité adulte, ça engendre beaucoup de confusion. À l’idée d’envoyer un enfant dans sa chambre, la pédiatre Catherine Gueguen objecte : « Que diriez-vous si votre conjoint vous enfermait dans votre chambre ? » C’est une grave confusion de langage, une confusion entre les générations. Un enfant n’a pas la même place qu’un conjoint. Catherine Gueguen est dans la confusion parce que ça n’est pas son métier. On ne peut pas décider qu’on maîtrise le métier d’un autre simplement parce qu’on en a envie. Je suis une clinicienne d’enfant, je me garderais bien de donner mon avis sur la façon d’administrer un vaccin.
Les instituteurs vous suivent.
Les parents qui ne mettent pas de limites éducatives laissent leurs enfants en friche, et les enseignants récupèrent un chantier structurel. On demande aux enseignants de tenir une classe de 30 élèves sans recadrer les enfants, pour ne pas les heurter. Je pense que cela participe de la désaffection de la mission d’enseignant.
« File dans ta chambre », c’est peut-être un énoncé inentendable pour des adultes qui eux-mêmes n’acceptent aucune limite.
Quand je pose le diagnostic de manque de limites éducatives aux parents et à l’enfant, je préviens l’enfant : « Papa et maman ne vont plus jamais s’énerver contre toi, ne vont plus crier, te pousser, te dire des mots durs ; par contre, à chaque fois que tu ne leur obéiras pas pour des choses importantes, tu seras puni dans ta chambre, et ils décideront du moment où ils viendront te chercher. » Quand je dis ça, tous ces enfants m’offrent un sourire banane. Pas un petit sourire : un sourire franc. Les enfants ne sont pas masos, ils ont l’intuition de ce qui est bon pour eux. À chaque fois, à la consultation suivante, je retrouve l’enfant, je lui demande comment ça va, s’il y a des choses qui ont changé depuis la dernière fois. Je lui demande d’apprécier l’évolution des symptômes pour lesquels il est venu me rencontrer la première fois, et immanquablement, au cours de cette consultation, il me regarde et me dit : « Là, papa n’a pas puni ; et là, maman aurait dû punir et elle ne l’a pas fait. » Alors quand j’entends ces spécialistes autoproclamés m’expliquer ce qui est bon ou pas bon, j’ai juste envie de leur dire : « Écoutez les enfants, et chassez votre idéologie. Faites cette expérience clinique. »
Ces enfants sans limites sont rejetés de partout.
Ils souffrent car il est difficile d’être avec eux : leurs grands-parents, les baby-sitters ne peuvent pas les garder, ils irritent leurs camarades et leurs enseignants. Ça fait des enfants qui s’agitent, et qui ont des troubles de l’attention – pour se concentrer, il faut que la pulsionnalité soit contenue, pour qu’ensuite la pensée soit contenue elle aussi. On ne peut pas entrer dans les apprentissages si on est traversé en permanence par l’excitation. Ces enfants, on les excite, on les agite, et après on les taxe de TDAH [trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ndlr], et on les colle sous amphètes, sous Ritaline.
Les tenants de l’éducation positive vous reprochent un abus de pouvoir.
Je ne prône pas le pouvoir et l’invective abusive, je pars du principe que l’autorité parentale est le plus souvent bienfaisante. Le courant de l’éducation positive prône un bain incestuel : tout le monde dans le même lit, le cododo, l’allaitement à très long terme ; c’est un déni de la différence des générations. Quand il est mis à une place d’adulte, l’enfant est insécurisé : « Si personne n’est plus fort que moi, qui va me protéger ? » Ça fait des enfants pétris d’angoisses, de phobies.
Et maintenant, le « Questionnaire freudien ». Première question : comment avez-vous rencontré vos parents ?
Ils étaient très gentils, donc je les ai rencontrés tout de suite. Ils ont bien ouvert la voie de la rencontre. J’étais l’aînée, très investie par eux et par mes grands-parents.
Deuxième question : à quoi rêvez-vous ?
Mes rêves m’accompagnent tous les jours, je suis très en contact avec mes désirs. Mon rêve, ce sont des enfants qui rient. Donc qui ne souffrent pas.
Dernière question : qu’est-ce qui vous fait peur ?
Ce qui me fait peur, c’est le danger des mensonges qu’on se raconte sur le dos des enfants, et qu’ils soient sacrifiés sur l’autel d’idéologies, de la paresse intellectuelle, de la paresse diagnostique et du cynisme pharmacologique. Ça, ça me fait vraiment peur. Je trouve que les enfants ne méritent pas ça.
Cet ouvrage est paru en janvier 2023 aux éditions érès. Son intérêt, à mes yeux, réside d’une dans la proposition de la notion de « plusmaternel » que Laura Pigozzi, psychanalyste, a forgé et qu’elle définit ainsi : « Nous appelons plusmaternel la forme sous laquelle une relation symbiotique se substitue à la fonction symbolique maternelle, où une limite est remplacée par la loi arbitraire de la chair. » (« Mon enfant m’adore », érès, 2018). J’apprécie d’autre part la proposition que l’auteur fait pour penser le tissage, aujourd’hui, entre sujet et collectif. Je vous laisse découvrir la suite ci-dessous.
Un mal d’enfance
De la dépendance maternelle à l’infantilisme social
Laura Pigozzi montre comment l’échec de la famille est la racine d’une tragédie sociale plus vaste et férocement destructrice, comment la dépendance maternelle crée des adultes infantiles, de très mauvais citoyens voire d’authentiques dictateurs.
Un nouveau genre de citoyenneté, jusque-là moins visible, est aujourd’hui mis en lumière : le « citoyen-enfant », celui qui a peu de lien avec le collectif, aucun respect pour l’autre, ne connaît pas les règles de la négociation sinon la superbe disparité entre lui et les autres. Les parents ont renoncé au rôle de guide pour devenir des protecteurs inconditionnels de leurs enfants : c’est le plusmaternel qui suspend le moment de la responsabilité.
Or c’est dans les familles que les enfants devraient s’entraîner à trouver l’élan vers le monde, en devenant adultes. Rater cette transformation les condamne à une éternelle enfance, ce qui ouvre la porte non seulement aux enfants tyrans mais aussi aux dictateurs véritables. Cette crise de l’humanisation des enfants touche l’ensemble de la société car le social se construit déjà dans la famille.
Laura Pigozzi offre un plaidoyer pour l’avenir de nos enfants, pour que nous ne les angoissions pas avec nos propres peurs et les laissions sortir de la sphère utérine. Dans une relecture inédite des origines du totalitarisme, elle les invite à apprendre à désobéir à la mère infantilisante et à construire la polis.
Laura Pigozzi montre comment l’échec de la famille est la racine d’une tragédie sociale plus vaste et férocement destructrice, comment la dépendance maternelle crée des adultes infantiles, de très mauvais citoyens voire d’authentiques dictateurs. La pandémie a mis en exergue un nouveau genre de citoyenneté, jusque-là moins visible : le « citoyen-enfant », celui qui a peu de lien avec le collectif, aucun respect pour l’autre, ne connaît pas les règles de la négociation sinon la superbe disparité entre lui et les autres. Les parents ont renoncé au rôle de guide pour devenir des protecteurs inconditionnels de leurs enfants : c’est le plusmaternel qui suspend le moment de la responsabilité. Ainsi la famille, à l’origine de la civilisation, semble aujourd’hui ne plus assurer l’humanisation des enfants élevés en son sein. C’est une crise qui touche l’ensemble de la société car le social se construit déjà au sein de la famille. La génération qui a contesté élève des enfants et petits-enfants dociles, prêts à l’assujettissement. Que s’est-il passé ? Laura Pigozzi offre un plaidoyer pour l’avenir de nos enfants, pour que nous ne les angoissions pas avec nos propres peurs. Laissons-les partir hors de la sphère utérine. Car la subjectivité n’est pas qu’une affaire intime, elle ne peut exister qu’à travers le lien collectif : le reconnaître est déjà une révolution.
La Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs SFAP organise une web conférence gratuite sur une analyse de l’expérience autrichienne avec la participation en français de la Société Autrichienne de Soins Palliatifs, suivi d’un temps consacré à la convention citoyenne dont les conclusions interviendront dans les semaines à venir.
Inscriptions pour recevoir le lien zoom : cliquez ICI.
Nous sommes tous « parent de, enfant de, frère, sœur, tante, nièce, parrain, oncle, neveu, cousin, grands-parents » … : la parentalité nous concerne et nous touche tous.
Or, familles, parents, enfants, personnes âgées…, nous retrouvons parfois isolés.
Face à ce constat, le Pôle Santé Universitaire (PSU) de Lanmeur, l’association Parentel, l’association Luska et l’Ulamir-CPIE vous proposent une après-midi de rencontres ouverte à toutes et à tous.
Vous êtes bienvenus aux portes ouvertes « Parentalité » le samedi 1er avril de 14h à 17h au RdC du PSU.
Accueil tout l’après-midi – Ateliers gratuits à 14h, 15h et 16h : sieste musicale, alimentation, jeux – Entrée libre.