Infolettre « Le mot d’Esprit : L’imagination du réel »

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Infolettre revue Esprit – Vendredi 17 juillet 2020

L’imagination du réel

« Le temps viendra où celui que nous vivons trouvera à se dire », écrivait Patrick Boucheron dans notre numéro de mai, « Le virus dans la cité ». Dans le temps suspendu du confinement, nous étions trop proches de l’événement pour en discerner les contours. En attendant les mots, c’est vers une image que se tourna l’historien : celle du frontispice du Léviathan de Hobbes, dont la contemplation suscita d’autres images, d’autres réminiscences, et mit la pensée en mouvement.

Alors que des événements récents tels que le 11-Septembre, la crise financière de 2008 ou la guerre en Syrie se sont très vite cristallisés sur quelques images revenant en boucle, la pandémie actuelle s’est plutôt montrée difficile à représenter. Dans cette relative absence d’images, plus ou moins conscients que ce moment représente une rupture, l’entrée dans un nouveau cycle historique que nous ne savons pas encore caractériser, nous avons eu le réflexe de nous tourner vers le passé : en convoquant les trames de récits déjà constitués (celui de la catastrophe, par exemple) ou en recourant massivement à l’analogie historique, avec la Grande Guerre en particulier. On peut y voir une tentation de rabattre l’inédit sur du déjà-connu. Mais ce va-et-vient entre passé et avenir fait aussi partie du travail de l’imagination, en tant que faculté d’intelligibilité du réel.

Dans un article publié en 1980 dans Esprit, Hannah Arendt s’interrogeait sur la difficile mais nécessaire entreprise de compréhension du phénomène totalitaire. Elle concluait son propos sur le nécessaire recours à l’imagination : « Cette “distanciation” de certaines choses, ce pont jeté jusqu’à d’autres, fait partie du dialogue instauré par la compréhension sur des objets que la seule expérience serre de trop près, et dont la simple connaissance nous coupe par des barrières artificielles. » À défaut de pouvoir déjà fixer en mots le sens de ce qui nous arrive, laissons travailler l’imagination, qui « discernera du moins quelque chose de la lumière toujours inquiétante de la vérité ».

La rédaction

D’un monde à l’autre. Récits de transition

Hugo Boursier, Benjamin Tainturier > Lire

Dans les discours sur la pandémie de Covid-19, l’idée que le monde d’après devrait être radicalement différent du monde d’avant a prévalu. Quatre canevas anciens qui soutiennent les récits de transition d’un monde à l’autre ont été convoqués : l’eschatologie, la zone d’autonomie, le techno-progressisme et le Grand Soir.

C’était au temps du grand confinement

Patrick Boucheron > Lire

Le sombre temps du confinement convoque le souvenir des solitudes craintives au frontispice du Léviathan de Hobbes, ainsi qu’une ancienne légende japonaise de catastrophe.

Déconfinement des analogies

Pierre Grosser > Lire

Durant la crise de la Covid-19, des analogies historiques ont été convoquées, avec les deux guerres mondiales, la guerre froide ou encore le 11 Septembre. Ces correspondances, forcément imparfaites, constituent autant d’outils de questionnement.

Compréhension et politique

Hannah Harendt > Lire

« Seule l’imagination nous permet de voir les choses sous leur vrai jour, de prendre du champ face à ce qui est trop proche afin de le comprendre sans partialité ni préjugés, de combler l’abîme qui nous sépare de ce qui est trop lointain afin de le comprendre comme s’il s’agissait d’une réalité familière. »

Journée d’Etude Int’le, 22 mars 2018 @ Paris

« L’expérience esthétique et la « praxis » :

perception, imagination et atmosphères »

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