Trouble de l’attention (TDAH) : la dangereuse explosion du traitement médicamenteux de l’enfant

Un article étayé sur un sujet de société passé plus ou moins sous silence. A lire.

L’auteur, Sébastien Ponnou, est Maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’Université de Rouen Normandie, et psychanalyste.

Article publié le 1 mars 2022, original ici.

Le Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est considéré comme le trouble mental le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent.

Or, dans la mesure où il n’existe aucun marqueur ni test biologique susceptible de contribuer au diagnostic, le TDAH est exclusivement défini sur la base de symptômes comportementaux : un déficit d’attention associé ou non à de l’impulsivité excessive et de l’hyperactivité. Pour cette raison, sa prévalence (fréquence de survenue d’un phénomène de santé dans une population pour une période donnée) varie considérablement d’un pays à l’autre : en 2012, il était d’environ 10 % aux États-Unis et inférieur à 1 % en Grande-Bretagne.

En France, l’industrie pharmaceutique a financé une étude publiée en 2011 concluant à une forte prévalence du TDAH (entre 3,5 et 5,6 % en 2008) alors même que la méthodologie et les données fournies pour étayer cette conclusion étaient très contestables.

Les recommandations concernant le traitement du TDAH diffèrent aussi selon les pays et les régions. En France, et dans la majorité des pays européens, une approche éducative, sociale et psychothérapeutique est officiellement préférée. La médication y est, en principe, réservée aux cas les plus sévères.

Le méthylphénidate, seul traitement autorisé…

Le méthylphénidate (MPH) est le seul traitement médicamenteux autorisé en France pour le Trouble déficitaire de l’attention. De manière générale, il est reconnu utile s’il favorise l’accès au travail de parole, de soin et d’éducation. Réciproquement, il n’existe pas d’autre indication thérapeutique pour cette molécule.

Le MPH est commercialisé sous forme simple (Ritaline®) ou sous forme retard (Ritaline-LP®, Concerta®, Quasym®, Medikinet®). Il est indiqué chez l’enfant à partir de six ans « lorsque les mesures correctives psychologiques, éducatives, sociales et familiales seules s’avèrent insuffisantes » (ANSM, 2017).

De nombreuses études contre placebo ont prouvé son action pour diminuer les symptômes du TDAH… Mais elles sont de court terme. Les bénéfices d’un traitement au long cours restent toujours à démontrer.

Plusieurs enquêtes américaines ayant suivi de larges cohortes d’enfants pendant des années montrent par ailleurs que le traitement par psychostimulants (dont la Ritaline®) ne présente aucun bénéfice à long terme sur les risques d’échec scolaire, de délinquance et de toxicomanie associés au TDAH.

… mais pas une panacée

Autre point : si les effets secondaires de court terme semblent mineurs, ceux de long terme sont largement inconnus.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mentionne ainsi une liste relativement importante d’effets indésirables comprenant notamment nervosité, troubles du sommeil, céphalées, amaigrissement, risques d’aggravation de pathologies psychiatriques et de passages à l’acte violents ou suicidaires, risques de maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires (pp. 18-22).

Pour ces raisons, et dans la mesure où le MPH est un psychostimulant classé stupéfiant (Vidal), sa prescription a toujours été soumise à un encadrement et à des conditions de délivrance stricts : prescription initiale et renouvellements annuels réalisés en milieu hospitalier par des médecins spécialistes (jusqu’au 13 septembre 2021), renouvellements mensuels sur ordonnance sécurisée, identification du pharmacien exécutant l’ordonnance.

Notre récente étude, réalisée dans les bases de données de la Sécurité sociale, pointe pourtant une augmentation inexorable de son emploi chez l’enfant et l’adolescent, ainsi qu’une rupture systématique des obligations réglementaires de prescription.

Hausse continue de la prescription de méthylphénidate chez l’enfant

En effet, ce travail réalisé auprès de l’ensemble des enfants et des adolescents français (0-17 ans) ayant bénéficié d’au moins une prescription de MPH entre 2010 et 2019, montre que la consommation a plus que doublé ces dix dernières années : +56 % pour l’incidence (ici, nombre de nouvelles prescriptions par an entre 2010 et 2019), et +116 % pour la prévalence. Cette hausse s’inscrit dans un continuum puisque de précédents travaux faisaient déjà état d’une augmentation de +65 % entre 2003 et 2005, puis +135 % entre 2005 et 2011.

Un rapport de l’ANSM montre également qu’entre 2008 et 2014, la prévalence de la prescription pour les enfants de 6 à 11 ans a augmenté de +63 % et presque doublé chez les 12-17 ans.

Cette augmentation se double d’un allongement considérable des durées de traitement : la durée médiane de la consommation chez les enfants de 6 ans en 2011 était de 5,5 ans et jusqu’à plus de 8 ans pour 25 % d’entre eux. Plus préoccupant encore : les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de traitement sont les plus longues.

Ces durées sont sans comparaison avec celles mises en exergue dans le courant des années 2000 : la durée médiane de prescription de MPH chez l’enfant en 2005 en France était alors de 10,2 mois.

Des conditions de prescription bafouées

En France, l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) est accordée par l’ANSM après une procédure d’évaluation du bénéfice/risque du médicament. Cette autorisation peut être assortie de conditions et de recommandations de prescription, comme c’est le cas pour le méthylphénidate. Or l’analyse des bases de données de santé montre une multiplication du nombre de prescriptions hors des cadres réglementaires :

  • Avant l’âge de 6 ans, contrairement aux indications de la mise sur le marché,
  • Avec des durées de traitement particulièrement longues et en constante augmentation. Les recommandations de prescription mentionnent clairement des usages de court terme et des réévaluations constantes des bénéfices du médicament,
  • Des premières prescriptions (25 %) et des renouvellements annuels (50 %) qui ne sont pas effectués par un spécialiste hospitalier, contrairement aux obligations réglementaires en vigueur jusqu’au 13 septembre 2021,
  • Avec un suivi médical et psychoéducatif des enfants qui ne semble pas toujours réalisé de manière satisfaisante : 84 % des enfants ne bénéficient d’aucune consultation médicale par le service hospitalier prescripteur dans les 13 mois suivant l’initiation. Entre 2010 et 2019, le nombre de consultations en centres médico-psychopédagogiques (CMPP) a été divisé par quatre tandis que la prévalence de la consommation de MPH a plus que doublé. Ces résultats suggèrent un risque de substitution des pratiques psychothérapeutiques et socio-éducatives par des prescriptions médicamenteuses.
  • Une prescription qui n’est pas nécessairement associée au diagnostic de TDAH, pourtant sa seule indication autorisée. A fortiori, lorsqu’un diagnostic psychiatrique est posé, il ne correspond pas toujours à l’indication thérapeutique définie par l’AMM. Or, le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) précise que « les psychostimulants ne sont pas destinés […] aux patients atteints d’autres pathologies psychiatriques primaires ».
  • Un quart (22,8 %) des enfants et adolescents consommateurs de MPH reçoivent un ou plusieurs autres médicaments psychotropes dans l’année suivant la première prescription : neuroleptiques (64,5 %), anxiolytiques (35,5 %), antidépresseurs (16,2 %), antiépileptiques (11 %), hypnotiques (4,8 %) et antiparkinsoniens (3 %). Ces co-prescriptions sont souvent très éloignées de leur zone d’AMM et se situent hors des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Or ces associations avec d’autres psychotropes – en particulier les antipsychotiques – présentent de sérieux risques pour la santé et devait être évitées.

Effet des facteurs scolaires et sociaux

L’étude montre également que le système scolaire contribue de manière significative à la prescription de psychostimulants : les enfants les plus jeunes de leur classe – nés en décembre plutôt qu’en janvier – présentent un risque accru de médication de +44 à +60 % (+54 % en moyenne au fil de la période 2010-2019).

Pourtant, il semble normal que les capacités d’attention des enfants les plus jeunes de leur classe soient potentiellement moins soutenues que celles de leurs camarades plus âgés, sans que cela n’engage de conclusion en termes de pathologie, de handicap ou de médication.

De plus, les enfants issus des classes sociales les plus défavorisées ou présentant des conditions sociales défavorables ont un risque accru de médication.

En 2019, 21,7 % des enfants recevant du MPH vivaient dans des familles bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU) ou d’un dispositif apparenté. Ceci alors que, selon l’Insee, ces aides n’étaient attribuées qu’à 7,8 % de la population française. La prescription est donc significativement plus fréquente chez les enfants des familles bénéficiaires de la CMU, et cette tendance a augmenté entre 2010 et 2019.

Si l’on considère également les enfants consommateurs de MPH disposant d’un diagnostic de défavorisation sociale (touchés par exemple par des difficultés liées à l’éducation, à l’alphabétisation, à l’emploi et au chômage, à l’environnement physique, au logement, aux conditions économiques ou à l’environnement social, etc.), le pourcentage d’enfants avec des difficultés sociales atteint 25,7 %.

Ces éléments pointent un risque de médication de l’enfant selon son âge ou ses origines sociales. Ces discriminations s’ajoutent à des ruptures des réglementations de prescription qui forgent le pacte démocratique entre les citoyens et leur système de santé.

Face à cette situation, ni l’AMM, ni les recommandations ou les lettres de rappel de l’ANSM, ni les alertes des chercheurs ou des professionnels de santé ayant dénoncé ces abus depuis de longues années ne semblent pas avoir été entendues.

Quelles pratiques et quelles politiques de santé ?

Ces enjeux sont d’autant plus vifs que le 13 septembre 2021, la HAS a décidé la fin de la Prescription initiale hospitalière (PIH) pour le MPH – une mesure qui avait pour fonction de garantir l’accompagnement des enfants et de leurs parents.

Cette décision augure une poursuite du phénomène, ainsi qu’une accentuation du non-respect des conditions de prescription. Or, les travaux scientifiques sont particulièrement réservés quant à la prescription de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent, et insistent sur l’importance de la surveillance et sur le rôle des agences de santé et de sécurité du médicament.

Ces réserves s’expliquent par la rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements, des effets indésirables importants et une balance bénéfice/risque qui conduit à un nombre limité d’autorisations de mise sur le marché pour les psychotropes en population pédiatrique.

En revanche, les pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales orientées par la parole font leurs preuves dans la clinique et sont recommandées en première intention en France dans le soin des enfants et des adolescents.

Quels bénéfices attendre d’une médicalisation croissante des comportements de l’enfant, et d’une dérégulation progressive de la prescription de psychostimulants voire de psychotropes : enfants, adolescents et famille peuvent-ils y trouver un meilleur soutien ? L’accueil des patients et les pratiques de soin peuvent-ils en être améliorés ? Le lien entre la population, les praticiens et les services de santé peut-il en sortir renforcé ?

Le modèle américain, qui fait référence en termes de médicalisation de la souffrance psychique, montre que ce serait plutôt le contraire.

Ces questions interrogent à la fois les capacités de régulation de la communauté médicale, des agences de santé et des pouvoirs publics. Mais elles touchent aussi à des choix de société : quelles pratiques et quel modèle de soin souhaitons-nous pour nos enfants et les prochaines générations ? Ces enjeux sensibles et complexes méritent a minima un débat scientifique, politique et citoyen éclairé et contradictoire.

« Réussite scolaire sur ordonnance – La pilule de l’obéissance »

Par Julien Brygo,  paru dans Le Monde Diplomatique de décembre 2019, original ici.

Réussite scolaire sur ordonnance

La pilule de l’obéissance

À l’origine, le remède ne devait concerner que les enfants « hyperactifs », une pathologie relativement rare. Mais depuis quelques années, aux États-Unis, tout Ecole: enfants font des jeux acrobatiques, foot, balle dans la cour de rÈcrÈation CM2 ‡ 6e. Children make acrobatic games, football, ball in the playground.bambin quelque peu turbulent peut se voir prescrire de la Ritaline, un médicament voisin des amphétamines qui fait également fureur sur les campus. Après avoir inondé le marché américain, la pilule miracle se répand en France.

En ce samedi 13 avril 2019, à Paris, Mme Claire Leblon, cheffe d’équipe dans un grand hôtel en région parisienne, s’installe dans la salle d’attente d’un cabinet de pédopsychiatrie avec Niels, son fils de 11 ans. Dans quelques minutes, le garçon fera face au médecin, qui le questionnera encore sur ses résultats scolaires et son comportement. Après quelques minutes en position assise, le garçonnet commence à gigoter, se lève, se rassoit, puis prend le smartphone de sa mère pour y faire défiler des photographies de villes, sa passion du moment — après les lampadaires, les poubelles et les camions.

Patatras : le portable tombe par terre. Mme Leblon est ulcérée ; sa voix monte d’une octave. Cette scène est pour elle une preuve supplémentaire du fait que son fils est différent, intenable, incorrigible elle a trouvé le bon mot il y a quelques années : « hyperactif ». Ses bêtises l’exaspèrent, tant à la maison qu’à l’école.

Elle a frappé à la bonne porte. Le médecin, dont on entend la voix de l’autre côté du mur, a la réputation d’être un « grand ponte dans son domaine », souffle-t-elle. Invité récurrent des radios nationales, M. Gabriel Wahl publie régulièrement des tribunes dans la presse médicale et généraliste. Il a signé quantité d’ouvrages sur ses thèmes de prédilection, au premier rang desquels l’échec scolaire, la précocité et le fameux trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Son remède miracle : la Ritaline, un comprimé issu d’une molécule synthétisée en 1944 par un chimiste italien, Leandro Panizzon. L’histoire retient que Panizzon conçut ce produit pour sa femme, Marguerite (surnommée « Rita »), qui cherchait à améliorer sa concentration — et son revers au tennis. Ce jour-là, tous les patients du docteur Wahl repartiront avec leur ordonnance de psychotropes.

La Ritaline se compose de chlorhydrate de méthylphénidate, un dérivé d’amphétamines qui accroît la production de dopamine dans le cerveau.

Cette molécule délivrerait les adultes comme les enfants d’une liste impressionnante d’imperfections, de la fâcheuse tendance à se cabrer devant une tâche fastidieuse au rejet pur et simple de l’autorité, en passant par l’inattention ou la déconcentration. C’est l’un des produits-phares du laboratoire Novartis (52 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018). Tantôt appelé smart drug («drogue de l’intelligence»), «pilule de l’obéissance» ou kiddy coke («cocaïne pour enfants»), ce psychostimulant est censé améliorer les performances intellectuelles du patient et fournir aux parents ainsi qu’aux enseignants des enfants malléables. «La Ritaline ne soigne rien. C’est un suspensif, pas un curatif : elle suspend les symptômes de l’inattention, admet le docteur Wahl. On ne guérit pas du TDAH, qui est un trouble biologique transmis par les gènes (1). » La Ritaline et ses concurrents, en premier lieu l’Adderall (laboratoire Shire), sont classés parmi les stupéfiants.

Niels fait partie des quelque 62 000 enfants de moins de 20 ans en France — principalement des garçons de 6 à 17 ans — qui ont consommé du méthylphénidate en 2016 (2). Comme la plupart de ses camarades «hyperactifs», il prend ses cachets uniquement les jours d’école. Le mode de diffusion, «à libération prolongée», a été pensé de manière à le faire tenir en place de 8 heures à 16 heures exactement. «Quand vous avez un enfant perturbateur, la classe est fichue», insiste le docteur Wahl. Grâce à sa potion magique, plus besoin de punitions ou de ruses pédagogiques pour mater les têtes brûlées. Les filles, moins prédisposées par leur éducation à avoir un comportement dérangeant, sont plus souvent diagnostiquées d’un simple TDA, le trouble du déficit de l’attention sans hyperactivité.

En France, la prescription de méthylphénidate a explosé : on en consomme trente fois plus aujourd’hui qu’en 1996, année de sa mise sur le marché. En 2017, il s’en est vendu 810 000 boîtes, quatre fois plus qu’en 2005. Et, pour certains, le marché n’est pas encore assez inondé : «Quarante mille enfants traités [en 2014], c’est insuffisant», estime par exemple Le Figaro, qui déplore que «plusieurs centaines de milliers d’enfants ne bénéficient pas du traitement qu’ils devraient avoir» (3). Tandis que le site Allodocteurs.fr tire la sonnette d’alarme : «La Ritaline ne serait pas assez prescrite» (5 septembre 2017). Mme Leblon, elle, n’y va pas par quatre chemins : «On lui donne ça pour avoir la paix, pour qu’il obéisse, pour qu’il se tienne bien en classe et qu’il ait des bonnes notes. On n’arrêtait pas de se faire convoquer! Mais ça ne fait plus effet, et il ressent des angoisses, alors on va arrêter.»

«C’est dur de donner des amphétamines à son enfant»
Aucune étude n’a été consacrée aux effets à long terme du méthylphénidate sur les enfants (4). Ce qui inquiète Mme Leblon, et que confirme M. Wahl, avec le flegme habituel des grands médecins : «Oui, il peut y avoir des troubles du sommeil ou de l’appétit, des maux de ventre… Mais ce médicament est prescrit dans soixante-quinze pays, il a été découvert il y a plus de soixante-dix ans. Il n’y a pas une seule aventure humaine qui soit sans risques. C’est un médicament qui ne fait aucun mal et ne crée aucune dépendance. Le méthylphénidate permet de sauver des vies, essentiellement celles de gens qui n’arrivent pas à se concentrer et qui sont de fait en échec scolaire.» Comme cette écolière «au quotient intellectuel très élevé» qui n’arrivait pas à se focaliser correctement sur ses révisions et qui a vu la moyenne de ses notes passer «du jour au lendemain» de 9 à 16. Ou encore ce «grand médecin» lyonnais qui «a déclaré explicitement que, si son fils n’avait pas pris de Ritaline, il n’aurait pas pu faire des études de médecine et, plus tard, de chirurgie». Des anecdotes, M. Wahl en a plein sa besace. «Mes patients prennent ce traitement comme on allume un radiateur quand on a froid, comme on ouvre un parapluie quand il pleut ou comme on met des lunettes quand on est myope. Allez leur expliquer que le Kentucky, le social, le truc et le machin… Ils s’en foutent.»

Pourquoi le Kentucky? Parce que c’est l’État américain qui compte le plus haut taux d’enfants diagnostiqués hyperactifs : 14,8%, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), qui se fondent sur les déclarations des parents. Un sur dix est sous médicaments (5). Dans certains comtés, comme celui de Henderson, dans l’ouest, un quart des enfants scolarisés ont déclaré à leur école un diagnostic de TDAH. Ce qui place cet État et ses quatre millions et demi d’habitants au premier rang mondial de la médicalisation des enfants inattentifs. En 2017, plus de vingt millions d’Américains prenaient des psychostimulants, parmi lesquels seize millions d’adultes — dont cinq illégalement — et quatre millions d’enfants (6). Les États de l’Ouest et du Sud, ruraux et industriels, sont davantage touchés que le reste du pays.

Dimanche 29 septembre 2019, Lexington, Kentucky. Des échangeurs autoroutiers, une succession de commerces et, au fond d’un quartier pavillonnaire, la bibliothèque Beaumont. Mme Jesse Dune et ses deux bambins sont venus emprunter des livres pour la semaine. «Ce record mondial ne m’étonne pas du tout, dit cette pharmacologue de 39 ans, qui travaille à l’hôpital universitaire. Le Kentucky est un État très conservateur; on ne parle jamais des émotions, des sentiments des enfants. On préfère leur donner un comprimé, c’est plus facile. En Californie, c’est l’inverse : être créatif et hyperactif ne vous vaut pas d’être suspect. Ici, c’est un trouble largement surdiagnostiqué, surtout chez les garçons.»

Avec elle, ce matin, Elizabeth, 11 ans, sage comme une image. «Ma fille a toujours été en avance; elle a lu avant les autres. Elle passe d’ailleurs sa vie à lire. Mais le soir, elle n’était pas gérable. Elle ne voulait jamais manger calmement avec son père et moi. Je travaille cinquante heures par semaine, j’ai un boulot très prenant et, le soir, je suis crevée. De plus, elle avait des idées morbides, elle me disait des choses du genre : “Je voudrais ne jamais être née, maman.” Ça m’a brisé le cœur. On a donc consulté plusieurs médecins et, quand elle avait 7 ans, on l’a mise sous Concerta [un concurrent de la Ritaline]. Depuis, elle le prend sans interruption, même pendant les vacances et les week-ends. Quand on a essayé d’arrêter, ses notes ont chuté. C’est très dur, en tant que parent, de devoir donner des amphétamines à son enfant, mais on a l’impression de ne pas avoir le choix.»Seuls et uniques coupables à ses yeux : les écrans.

Chaque mois, Mme Dune doit prendre rendez-vous avec le médecin pour renouveler son stock. «On n’a le droit de posséder des réserves que pour trente jours, alors, tous les mois, je dois aller rechercher une prescription chez le pédopsychiatre. Puis je dois appeler la pharmacie quatre jours avant, montrer ma carte d’identité… C’est très encadré, à cause de ceux qui le vendent au marché noir pour les étudiants.»

Un ticket d’entrée dans la catégorie des surdoués
Selon une étude menée en 2008 dans une grande université du sud-est des États-Unis, 34% des étudiants américains ont déjà eu recours au méthylphénidate pour leurs révisions (7). Shannon, qui suit des études commerciales, s’étonne : «C’est tout? Je dirais plus, largement plus. Ici, c’est au moins 70%, si vous voulez mon avis. Tout le monde autour de moi en prend.» Sur le campus de l’université du Kentucky, à Lexington, rien de plus simple que de trouver du méthylphénidate. «Quand je prends du Concerta, je me sens super concentrée. Hier, je l’ai avalé à 14 heures et je suis restée collée à mes révisions jusqu’à 1 heure du matin, sans manger. J’ai payé 8 dollars pour 27 milligrammes, via un groupe de discussion sur Internet. C’est très simple»,assure Maya (8), 19 ans, qui, le regard vitreux et le teint blafard, sort tout juste de son examen de psychologie. «Je suis la première de ma famille à entrer à l’université. Je n’ai pas le choix : je dois réussir à 100%. Là d’où je viens, dans le nord du Kentucky, personne ne va à la fac, même les bons basketteurs.» À 13 000 dollars (11 800 euros) le semestre à l’université, la jeune femme n’hésite pas à «mettre toutes les chances de [son] côté».

Une situation «dangereuse», selon M. Matthew Neltner, médecin universitaire qui officie au sein de l’unité de traitement des maladies mentales des étudiants de l’université. «L’argument selon lequel les psychostimulants ne seraient pas addictifs me rappelle le discours sur les opioïdes : c’est exactement comme ça que la crise a démarré! Quand on est en manque de Ritaline, on est déprimé, fatigué, on dort toute la journée et on n’a aucune motivation pour rien.» Il raconte que beaucoup de patients viennent le voir et déclarent d’emblée qu’ils souffrent du TDAH : «Personne ne vient me voir en disant “Je suis bipolaire” ou “Je suis en dépression”. Ce n’est pas sexy. Les étudiants ne veulent pas entendre parler de thérapies comportementales, pourtant efficaces, ou de solutions plus simples, comme faire de l’exercice. Alors que courir, sortir, faire du sport soigne l’hyperactivité.»Au sein de son unité, M. Neltner dit «essayer de ne pas surprescrire : on se base sur le DSM-5, qui établit que 5% des enfants et 2,5% des adultes ont le TDAH» (9).

Aux États-Unis, être affligé d’un TDAH est parfois considéré comme désirable, car synonyme d’un ticket d’entrée dans la catégorie des surdoués. De nombreuses célébrités, du chanteur Justin Timberlake à l’actrice Emma Watson, en passant par le chef d’entreprise Richard Branson, le nageur Michael Phelps, feu le musicien Kurt Cobain ou encore… Leonard de Vinci, ont été diagnostiquées comme en étant atteintes. On ne compte plus les chansons à la gloire du méthylphénidate, tant celui-ci s’est immiscé dans le quotidien des Américains de divers milieux : la finance, les jeux vidéo, le base-ball, le show-business, mais aussi l’armée ou encore les courses de chevaux (10).

«Mon fils est un génie, affirme Mme Mary Fuller Proffit, une serveuse de 63 ans qui élève seule Isiac, adopté il y a onze ans. Il est capable de vous dessiner les yeux fermés les cartes exactes de l’Europe avant et après la première guerre mondiale, puis après la seconde guerre mondiale.» Ancienne assistante sociale pour personnes atteintes de maladies mentales («Je devais m’occuper de trente-huit patients, avec un total de dix mille médicaments à gérer chaque mois»), elle s’est longtemps opposée aux psychostimulants. Les médecins ont très vite conclu qu’Isiac était atteint du TDAH, mais Mme Proffit, méfiante, estime que le surdiagnostic est très important dans le Kentucky. «Isiac est né dépendant au crack et à l’alcool, car sa mère biologique en consommait. J’ai dû quitter mon emploi pour m’occuper de lui. Depuis qu’il est petit, je n’entends parler que de son comportement à l’école. Il parle tout le temps, refuse de s’asseoir, fait un peu ce qu’il veut. Ses professeurs ont fait pression sur moi pour qu’on lui prescrive quelque chose. Leur intérêt, c’est qu’il s’assoie et qu’il se taise.» Mme Proffit a finalement cédé : «Je lui donne du Concerta uniquement pour l’école, et ses professeurs sont satisfaits. Moi, un peu moins, car je suis pauvre, je n’ai pas une bonne assurance et cela me coûte 130 dollars par mois [118 euros]. »

Dans l’est du Kentucky, au pied des Appalaches, la ville de Hazard, cinq mille habitants, n’est que pharmacies en drive-in, supermarchés dispersés et montagnes en escalier, trouées par les pelleteuses pour extraire le charbon ou réparer les routes. Sur la route du rectorat, qui a accepté de nous recevoir, nous nous arrêtons dans une clinique qui fait scintiller le sigle «ADHD» — pour «attention-deficit hyperactivity disorder», la version anglophone du TDAH — sur un écran à destination des conducteurs. À l’intérieur, on tombe sur une publicité pour le Crossroads Health Center : «Votre enfant n’arrive pas à respecter les consignes et à finir ses devoirs? Vous connaissez un écolier ou un étudiant qui a des difficultés à rester assis ou à faire la queue? Vous côtoyez un enfant qui gigote, s’agite, court, saute ou est toujours en mouvement? Vous connaissez quelqu’un qui semble avoir le TDAH et qui voudrait de l’aide pour établir le diagnostic? Appelez ce numéro.» À l’accueil, nous nous renseignons sur l’âge à partir duquel on peut diagnostiquer un enfant hyperactif dans la région. «À partir de 18 mois», nous répond la médecin de service.

Dans la salle de réunion de la Kentucky Valley Educational Cooperative (50 000 écoliers, 2 900 professeurs), la directrice adjointe, Mme Dessie Bowling, a convoqué pas moins de huit personnes pour répondre à nos questions sur l’épidémie locale de TDAH. «Parmi les vingt élèves de ma classe, raconte Mme Emily K., professeure dans un grand lycée de la région, j’en ai probablement 30% qui ont soit un TDA, soit un TDAH. Ça fait cinq ans que je suis prof et ça a toujours été comme ça. Je crois que c’est normal pour tout le monde ici. La moitié au moins de mes élèves ne sont plus avec leurs parents à cause des opioïdes ou d’autres drogues, et vivent avec leurs grands-parents ou dans des familles d’adoption. C’est ça, le vrai sujet, dans ma classe.»

Des prescriptions «dès 4 ans s’il le faut»
Dans cette région minée par le déclin de l’industrie du charbon et par les ravages de la drogue (essentiellement les opioïdes, la méthamphétamine et la cocaïne), les enseignants font ce qu’ils peuvent. «Nous essayons d’inciter les enfants qui sont facilement distraits à aller au laboratoire de réalité virtuelle ou à l’atelier de menuiserie, explique Mme Bowling. Quand ils construisent des drones ou impriment leurs objets en 3D, ils n’ont aucun problème à se concentrer. Ce sont peut-être tout simplement des enfants qui sont davantage à l’aise avec un moteur ou un plan de construction qu’avec du papier et un stylo. On pousse beaucoup de professeurs à équiper leur classe avec de gros ballons, des chaises hautes pour ceux qui veulent se tenir debout, des sièges à bascule. Tout ça peut constituer des solutions pour empêcher la mise sous médicaments directe.»

Ces vingt dernières années, l’école américaine a subi deux réformes successives qui ont accru la compétition entre établissements, entre élèves et entre professeurs. No Child Left Behind («Aucun enfant laissé sur le bord du chemin»), une loi votée sous M. George W. Bush, et Race to the Top («Course vers le sommet»), un programme instauré sous M. Barack Obama, ont aggravé les inégalités scolaires. L’école est-elle devenue si dure qu’il faille droguer les enfants pour leur permettre de suivre le rythme? «On doit les préparer à être des adultes, à être des membres productifs de la société, répond Mme K. Une bonne partie du problème, c’est que, le lundi matin, certains gamins n’ont pas pris leurs médicaments de tout le week-end. Ils démarrent donc la semaine dans tous leurs états, et il faut attendre le mardi pour qu’ils soient de nouveau opérationnels.»

Tout en haut d’une montagne de charbon, au sein du Primary Care Center de Hazard, le plus grand du comté, Mme Molly O’Rourke, pédiatre, nous ouvre la porte de son bureau. «Regardez mon planning : le jeudi, c’est une grosse journée. Sur vingt-six patients, douze viennent me voir pour de l’hyperactivité ou des troubles de l’attention. Ils veulent renouveler leur ordonnance mensuelle. Parfois, cela représente plus de la moitié de mes consultations.» Pour établir un diagnostic de TDAH, Mme O’Rourke soumet à ses patients un questionnaire, le Vanderbilt ADHD Diagnostic Rating Scale (VADRS). «C’est subjectif, explique-t-elle. Les parents le remplissent en fonction du comportement de leur enfant. S’il a les mêmes symptômes à l’école et à la maison, alors on envisage la médication.» Le formulaire comprend quarante-sept questions. Les réponses possibles vont de 0 («jamais») à 3 («très souvent»).

Comme pour le DSM, on coche des cases et, à partir d’un certain nombre de points, on est considéré comme «hyperactif» ou comme simplement «inattentif». Exemples : «Parle trop.» «Oublie souvent ses affaires.» «A du mal à organiser ses tâches.» «Interrompt souvent les autres.» «A tendance à s’énerver.» «S’est déjà enfui la nuit.» «A déjà agressé quelqu’un sexuellement.» «Se dispute avec les adultes.» Les questions sont variées, mais ont toutes pour thème la capacité de nuisance des enfants. Mme O’Rourke prescrit de la Ritaline, du Concerta, du Focalin, de l’Adderall ou du Vyvanse, «dès 4 ans s’il le faut. Il y a un nouveau médicament chaque mois», s’exclame-t-elle.

Le petit dernier, l’Adhansia, sort des usines de Purdue Pharma, le laboratoire de l’OxyContin, considéré comme le principal responsable de la crise des opioïdes (400 000 morts en vingt ans) (11). «Je viens d’un programme où on essaie de baisser les doses, de favoriser les thérapies comportementales, d’arrêter les médicaments, poursuit Mme O’Rourke. Mon but, c’est qu’ils soient capables d’être des enfants, de jouer et d’apprendre. Je n’ai jamais vu d’effets négatifs à long terme, excepté une croissance perturbée. Le plus grand problème, ce serait l’addiction, surtout pour les adolescents, ainsi que la revente.» Pour elle, ça ne fait pas de doute, «la télévision est responsable en grande partie du TDAH. C’est la première baby-sitter du pays». Dans sa salle d’attente, encore un garçon. Jayden, 12 ans, «ne tient pas en place». Diagnostiqué hyperactif, il est sous psychotropes depuis quatre ans. Sa mère, Tasha, commente : «Quand il ne les prend pas, il est insupportable.» L’école? «Je pense que c’est ennuyeux, répond Jayden. Lire est ennuyeux. Rester assis toute la journée est ennuyeux. Je préfère jouer au base-ball avec mon père, ou à Fortnite, World of Warcraft ou NBA 2K [des jeux vidéo] avec mes copains.»

Retour en France. Dans le bureau du docteur Wahl, Mme Leblon s’adresse franchement au médecin. «En fin de compte, on ne va pas se mentir : la Ritaline, c’est pour la tranquillité de l’école. Puisqu’on ne lui en donne pas le week-end ou pendant les vacances scolaires…» M. Wahl paraît agacé. Il se redresse sur son siège : «Là, franchement, je ne suis pas d’accord avec vous. L’objectif premier, c’est quand même de permettre à des enfants en souffrance d’aller mieux, car un enfant TDAH est en conflictualité permanente. Il se fait engueuler la journée par les profs et le soir par les parents!» Mme Leblon rebondit : «C’est vrai, docteur. Nous, on en a marre de tout le temps le disputer comme ça!» Le pédopsychiatre répète sa doctrine : «C’est un trouble biologique. Dans cette affaire, vous n’êtes ni bons ni mauvais. Vous n’êtes pas plus responsables de son TDAH que mes parents ne sont responsables de ma myopie.» Éclat de rire de Niels. Le docteur se reprend : «Niels n’a pas un TDAH pur.»N’empêche : il a avalé des psychotropes pendant quatre ans et ressent aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler de grosses angoisses.

Angoisses et tentatives de suicide
Les longues heures passées à regarder «Enquête exclusive», «Enquête d’action», «Enquête sous haute tension» et autres émissions de «reportage» sur les forces de l’ordre expliqueraient-elles sa hantise d’un improbable kidnapping? «Malheureusement, la Ritaline ne soigne que le TDAH, pas l’anxiété», précise M. Wahl. Niels n’est pas le premier cas d’enfant sous stimulants pris d’angoisses inquiétantes. On pense à Gab T., cet adolescent de 14 ans qui a tenté de se suicider après avoir démarré l’Adderall à 7 ans; à M. Trey McCormick, 23 ans, travailleur dans l’hôtellerie et la restauration dans le Kentucky, qui, plus jeune, faisait croire à sa mère qu’il prenait ses cachets mais les jetait dans les toilettes tellement ils lui donnaient «des idées noires, oppressantes, des visions d’horreur»; ou encore à cet ouvrier du bâtiment, M. Joe Dazier, qui n’a pas de mots assez forts contre ce «poison» que ses parents l’ont «forcé» à prendre.

Selon une étude publiée en 2019, les enfants sous psychostimulants ont deux fois plus de risques de développer des psychoses (12). Mais le docteur Wahl n’est guère convaincu : «La Ritaline réduit le risque d’addictions et, en principe, limite le risque de psychose, puisque les résultats scolaires sont meilleurs.» Tant que les notes sont bonnes, la mission est accomplie et le docteur satisfait.

Mme Leblon nous reçoit dans son pavillon de Saint-Prix, au nord de Paris. «Lorsqu’il m’a prescrit de la Ritaline, le docteur Wahl m’a dit : “Ne lisez pas la notice, car la liste des effets secondaires va vous refroidir!” Comme c’est un grand ponte, j’ai suivi son conseil. Mais ce que j’ai lu par ailleurs, notamment sur la proximité avec les amphétamines, m’a inquiétée. C’est à la suite de ces découvertes, et en constatant que la Ritaline ne faisait plus aucun effet, que nous avons décidé d’arrêter. Il l’aura prise pendant quatre ans; c’est beaucoup. L’an prochain, c’est le collège. On appréhende.»

Dans la salle à manger, Mme Leblon fait résonner le tube de Ritaline, puis nous tend la notice parfaitement pliée de ce qu’elle nomme avec ironie la «petite pilule magique». Au chapitre 4, on dénombre pas moins de soixante-dix «effets indésirables éventuels», des «plus fréquents» (palpitations, battements de cœur irréguliers, maux de tête, nervosité, insomnies, etc.) aux «fréquents» (diminution de l’appétit, fièvre, perte des cheveux, etc.) et aux «très rares» (crise cardiaque, tentative de suicide, pensées anormales, absence de sentiment ou d’émotion…). À la rubrique «Autres effets indésirables», on lit, entre autres mentions : «Dépendance au médicament.»

Rigolard et joueur, Niels raconte qu’il est bien content d’avoir arrêté ce comprimé qui l’«empêchait de dormir» et lui faisait «battre le cœur trop vite». «J’étais sûre qu’il était hyperactif», confie sa mère, qui se demande : «Est-ce qu’on ne se voile pas la face, à donner de la drogue à nos enfants?»

Julien Brygo

(1Lire Gérard Pommier, « La médicalisation de l’expérience humaine », Le Monde diplomatique, mars 2018.

(2Cf. « Méthylphénidate (Ritaline) : dernier choix dans l’hyperactivité », Prescrire, 1er août 2017.

(3Damien Mascret, « La Ritaline, entre sous-prescription et abus », Le Figaro, Paris, 16 mai 2017.

(4La revue Prescrire, qui dénonce l’« absence d’études à moyen et à long terme sur l’effet du méthylphénidate », a publié de nombreux articles pour alerter sur les effets indésirables de ce psychotrope, « banalisé malgré les dangers » et dont la prescription s’apparente selon elle à un « dopage des enfants » (Prescrire, no 406, Paris, août 2017).

(5Chiffres de 2011. « State profiles — Diagnosis and medication treatment among children ages 4-17 years (survey data) », Centers for Disease Control and Prevention.

(6Amelia M. Arria et Robert L. DuPont, « Prescription stimulant use and misuse : Implications for responsible prescribing practices », The American Journal of Psychiatry, vol. 175, no 8, Washington, DC, août 2018.

(7Alan DeSantis et Audrey Curtis Hane, « “Adderall is definitely not a drug” : Justifications for the illegal use of ADHD stimulants » (PDF), Informa Healthcare, 2010.

(8Les prénoms ont été changés.

(9Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), édité par l’Association américaine de psychiatrie, édicte les critères de diagnostic des troubles mentaux, dont le TDAH.

(10En 2015, durant un audit du laboratoire Trusdail, les enquêteurs ont découvert que sept cas de chevaux contrôlés positifs au méthylphénidate (dopant de catégorie 1 dans le championnat équestre) avaient été dissimulés.

(11Le Monde, 16 octobre 2019, L’Adhansia est un psychostimulant dont les effets durent seize heures, soit deux fois plus que la Ritaline. Lire Maxime Robin, « Overdoses sur ordonnance », Le Monde diplomatique, février 2018.

(12Edith Bracho-Sanchez, « Young people on amphetamines for ADHD have twice the psychosis risk compared to other stimulants, study says », Cable News Network (CNN), 20 mars 2019.

en perspective

  • La médicalisation de l’expérience humaine

    Gérard Pommier, mars 2018
    Une perturbation de l’humeur, des moments de chagrin ou de tension sont-ils toujours signes de maladie ? La psychiatrie européenne a longtemps su en évaluer la gravité et trouver les prescriptions appropriées, du médicament à la cure psychanalytique. L’industrie pharmaceutique incite en revanche, sous couvert de science, à transformer des difficultés normales en pathologies pour lesquelles elle offre une solution. 
  • Pour vendre des médicaments, inventons des maladies

    Alan Cassels & Ray Moynihan, mai 2006
    Ayant atteint les limites du marché des malades, certaines firmes pharmaceutiques se tournent désormais vers les bien-portants pour continuer à croître. Et emploient pour cela les techniques de publicité les plus avancées. 
  • L’obsession de la santé parfaite

    Ivan Illich, mars 1999
    Dans les pays développés, l’obsession de la santé parfaite est devenue un facteur pathogène prédominant. Le système médical, dans un monde imprégné de l’idéal instrumental de la science, crée sans cesse de nouveaux besoins de soins. Mais plus grande est l’offre de santé, plus les gens répondent qu’ils ont des problèmes, des besoins, des maladies. Chacun exige que le progrès mette fin aux souffrances du corps, maintienne le plus longtemps possible la fraîcheur de la jeunesse, et prolonge la vie à l’infini. Ni vieillesse, ni douleur, ni mort. Oubliant ainsi qu’un tel dégoût de l’art de souffrir est la négation même de la condition humaine. 
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