« Du paradigme de la crise en philosophie »

Un peu de nourriture pour alimenter notre pensée (et sortir des ruminations inévitables en ces temps nouveaux) …

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Le mot crise est devenu un concept usuel parcourant simultanément des phénomènes allant du champ médiatique à celui des sciences sociales, en passant par la politique. Et depuis la crise des subprimes qui a ébranlé les tours du capital financier, l’expression connaît un regain d’actualité et passe pour ainsi dire du langage de spécialiste à l’ordre ordinaire des usages de la langue. Selon Edgar Morin « la notion de crise s’est répandue au vingtième siècle à tous les horizons de la conscience contemporaine. Il n’est pas de domaine qui ne soit hanté par la notion de crise : le capitalisme, le droit, la civilisation, l’humanité… Mais cette notion en se généralisant s’est vidée de l’intérieur » [1]

On peut définir la crise comme un processus comportant des éléments de déstabilisation, de troubles d’un certain ordre (social, culturel…) qui tend vers une réorganisation et une restructuration pour émerger vers une réalité différente. On parle ainsi de crise de l’éducation, crise de la culture comme si tout l’univers de signification à la fois symbolique et institutionnel était frappé d’une gangrène qui menace de conduire la société à sa perte. C’est déjà dans ce sens qu’Edmund parle de la crise des sciences et de l’humanité européenne. Il s’agit d’abord de cette perte dans l’ordre des sciences sociales qui peinent à réaliser le rêve cartésien d’une unité architectonique fondée sur une méthode. Elle se double d’une crise qui frappe l’humanité européenne dans ses valeurs. En tout cas, l’idée que pointe Husserl, c’est l’impossibilité de faire société ensemble autour d’idéaux forts susceptibles de conduire le corps social. Marx envisage la crise comme une rupture et comme la possibilité d’un avènement. Contrairement aux crises antérieures, la crise marxiste est porteuse d’un changement. Du grec krisis, décision, le mot crise, d’abord médical désigne un changement brutal positif ou négatif d’une maladie. C’est la rupture d’un ordre initial. L’intérêt de la crise se situe là, dans l’instant de la césure, de la scission et pour ainsi dire de la décision qu’elle infiltre. À bien entendre, l’expression de crise s’étire entre deux pôles dont l’un est négatif et l’autre positif. En grec (krisis), la crise est un moment de rupture où l’on doit décider (du traitement d’un malade pour Hippocrate). Longtemps, la langue française a cantonné ce terme dans son acception médicale (crise de nerfs, crise cardiaque…) désignant l’apex (le sommet) de la maladie, moment où le sujet peut guérir ou trépasser. Par la suite on voit apparaître le terme de crise dans le champ politique ou économique (crise financière).

Cependant, l’usage courant de cette expression ne consacre que le versant négatif. La crise désigne toujours à la fois une affection et une perte qui affectent soit le registre axiologique et institutionnel, soit le registre scientifique. Son sens indique la catastrophe. C’est précisément cette idée que nous voulons déconstruire pour ressortir le sens enfoui de la crise afin de restaurer sa signification essentielle et en faire un concept analytique opératoire pour la lisibilité des phénomènes qui affectent la société. C’est parce que la crise se meut dans cet horizon qu’elle est à la base même de l’imagination sociale. Or l’imagination sociale est la capacité qu’a toute communauté d’expérimenter le monde pour se rendre habitable.

La crise : perte de sens et de légitimation

La lecture de la crise comme perte trouve son explication dans l’idée que partout où elle survient, cette dernière vient briser l’ordre ordinaire des choses, plongeant la communauté sociale dans une sorte de vertige ontologique. Il y a quelque chose de fondamental qui s’effondre. Dans son roman, Le monde s’effondre, l’écrivain négro-africain, Chinoua Achebe décrit cette espèce de vertige qui advient lorsque l’ordre des valeurs traditionnelles se trouve bouleversé. C’est l’équilibre de toute la société qui est perdu avec l’effondrement des repères axiologiques et institutionnels séculiers sous la poussée des valeurs occidentales portées par la mission colonialiste. La crise est vécue comme une perte du monde commun. Et c’est cette idée que Hannah Arendt développe lorsqu’elle parle de la crise de la culture ou de la crise de l’éducation.

4 Il s’agit d’une rupture brutale ou progressive qui survient dans le récit que la communauté se fait d’elle-même et dans sa propre représentation. On ne parle de crise que par rapport au passé, à la marche historique de la communauté des prédécesseurs qui se sont construits un monde habitable pour accueillir les générations à venir. Or voici que tout à coup, le stock de connaissances ordinaires qui organisait le monde vécu se trouve caduc et ne parvient plus à répondre aux problèmes qui se posent. Cette vision commune n’est possible que parce que la crise est considérée à partir d’un seul de ses pôles. Elle constate qu’un événement s’est produit. Une situation problématique inédite prend corps dans l’univers social et aucune recette du stock culturel ne peut la résoudre. Il y a tout simplement une « dissimultanéitée » entre la connaissance disponible et le problème qui se présente. La lecture de la crise comme perte est la résultante d’une incapacité de ressources culturelles à résoudre immédiatement un problème qui survient ou gangrène la société. Ce positionnement rend difficile la possibilité d’un questionnement de la société sur elle-même. Au contraire, elle tente de se protéger, de s’immuniser, de résister pour ne pas se renier et briser, par là même, le récit qu’elle s’est construit. Pour être pathologique, cette attitude n’en est pas moins normale car il s’agit d’un réflexe défensif qui se met en place. Ce mécanisme de défense se nomme idéologie.

Comment la crise vient au monde

Une crise sépare deux moments du temps : un avant et un après. Le concept entend signifier l’irruption d’une différence dans l’histoire. Le concept de « natalité » développé par H. Arendt permet de comprendre comment la crise vient au monde. Naissance et mort pour les humains ne sont pas de simples événements naturels. Elles présupposent un monde durable où l’on puisse apparaître et d’où l’on puisse disparaître. Les Grecs nommaient les hommes « les mortels » et les enfants « les nouveaux ». Ainsi, tout « nouveau » doit être intégré à un monde plus vieux que lui, qu’il renouvelle et qu’il menace : « La vie de l’homme se précipitant vers la mort entraînerait inévitablement à la ruine, à la destruction, tout ce qui est humain, n’était la faculté d’interrompre ce cours et de commencer du neuf, faculté qui est inhérente à l’action comme pour rappeler constamment que les hommes, bien qu’ils doivent mourir, ne sont pas nés pour mourir mais pour innover» [2]. Selon Arendt, il s’agit d’éduquer de façon à conserver chez les « nouveaux venus » la capacité à innover et à « remettre en place le monde ». Dans « La crise de la culture », elle tente de réécrire l’histoire intellectuelle de notre siècle comme la biographie d’une personne singulière plutôt que celle de générations successives dans laquelle l’historien respecte l’enchaînement des théories. Elle explique qu’aucun testament n’a légué sa réalité à l’avenir, que nos institutions sont amenées à exister après nous. Ainsi, la crise indique un moment qui rompt la linéarité de la continuité temporelle pour laisser entrer un événement – endogène ou exogène – qui la change et introduit la possibilité du déclin, de la mort. Cependant, les crises sont destinées à se succéder car elles sont engendrées par le mouvement même qui tente de les dépasser ou de les éviter. Dans sa violence, la crise fait apparaître de nouvelles possibilités d’être, une occasion de renaissance. L’identité de l’homme est au carrefour d’influences multiples, diverses et contradictoires. Il s’agit d’un échafaudage complexe de coutumes, de traditions et d’expériences individuelles et collectives que l’on construit et déconstruit continuellement tout au long de son existence. L’être humain, dans la société moderne, a du mal à trouver la réponse à la question Quod iter sectabor vitae (que vais-je faire de ma vie) et le simple fait de se poser cette question nous installe durablement dans la crise. Pour « être », les hommes doivent sans cesse « devenir ». Si « être » c’est devenir, la crise apparaît comme une modalité effective de l’activité humaine. La crise est une brèche dans laquelle s’inscrit l’action des nouveaux venus. Ainsi, les nouveaux venus, naissant au monde ne sont pas seulement des patients mais aussi des agents de l’effectivité historique. Pour la philosophie, la crise ouvre un horizon, celui de l’initiative, instruite à la fois par l’expérience passée, transmise par les anciens et par l’attente des nouveaux venus.

Crise : moteur de la dynamique de l’imaginaire social

La crise est au cœur de la dynamique sociale en ce qu’elle permet le déploiement de l’imaginaire social. Dès qu’une crise survient, elle produit deux réactions, d’abord la tentation conservatrice, puis, ou simultanément, la production réflexive. Dans les deux cas, la société sort de son vécu routinier pour essayer de se préserver face à des bouleversements qui la traversent ou pour se remettre en pro-jet. Dans le premier cas, elle construit un discours dont le but est de « sur légitimer » des traditions vacillantes. C’est la production idéologique. Dans le second, elle opère un mouvement réflexif et produit un projet. C’est la production utopique. Les concepts pratiques d’idéologie et d’utopie empruntés à l’herméneutique ricoeurienne, permettent de féconder le concept de crise en rendant visible sa polarité. Et c’est précisément parce que la crise met en branle ces deux modalités de l’imagination sociale, qu’elle peut devenir un outil opératoire.

L’espace généalogique de la crise ou le retournement idéologique

La posture généalogique permet de saisir non seulement comment la crise survient dans le monde des affaires humaines mais aussi comment elle produit l’idéologie. L’idéologie est le métadiscours, superstructure dirait Marx, qui sert à légitimer par le jeu de la présentation, les institutions et les valeurs qui fondent l’ordre social. L’idéologie est consubstantielle à toute société, tout système d’organisation dans la mesure où toute communauté se construit une représentation d’elle- même. Cependant, le propre de l’idéologie est de se soustraire à la temporalité, de nier son devenir car elle est traversée par la tentation éternitaire. C’est alors qu’au lieu d’être un reflet de la réalité, elle en devient une distorsion.

Ricoeur écrit qu’« il y a une vie réelle des hommes : c’est leur praxis ; puis il y a le reflet de cette vie dans leur imagination, et c’est l’idéologie. L’idéologie devient ainsi le procédé général par lequel le processus de la vie réelle, la praxis, est falsifié par la représentation imaginaire que les hommes s’en font » [3] L’idéologie est, en ce sens, désormais un régime de vérité, une sorte de point de vue de Dieu situé hors du monde et qui entend l’administrer sous le mode de reproduction du même. Comme telle l’idéologie est conservatrice. Elle est toute entière tournée vers la conservation de ce qui est et qui a été légué par ceux que Schütz nomme les « prédécesseurs ». Or la crise survient comme événement de rupture qui fait vaciller le préjugé sur le monde social. Ce dernier se révèle comme un monde construit. Elle survient à ce moment là comme une anomalie. Elle remet en cause les croyances, les institutions et les pratiques qui organisent la vie quotidienne. Pour Ricoeur « l’unité spirituelle du monde a été brisée ». Dans cette configuration, le passé est la seule ressource susceptible de fournir encore de l’assurance. L’idéologie se mue alors en dogme pour essayer de préserver les places fortes de signification afin d’éviter l’effondrement « des assises du monde » (Arendt). Le passé n’est plus un lieu de sens susceptible de servir de ferment au présent. Au contraire, il se pétrifie dans sa posture. La crise replace chaque système d’organisation du monde social dans sa dimension historique. Elle révèle que chaque mode de gestion, chaque symbole ou institution est produit par l’expérimentation d’une communauté qui s’est confrontée au monde. De la sorte, sa pertinence est relative et répond à une problématique singulière. Si le passé est un facteur fort de l’idée qu’une communauté se fait d’elle-même, il n’en demeure pas moins qu’elle doit faire face aux exigences du présent et se projeter dans l’avenir. Et chaque fois, il faut que la société s’arrache par la force d’un examen de soi pour s’auto-enfanter elle-même. La crise n’est pas ruine, elle sonne l’hallali du monde ancien et intime à la société de reprendre la route afin d’éviter la pétrification. Elle est le moment des bifurcations, des transvaluations qui renouvellent l’ordre social. Dans son analyse de l’institution, Dubet expose l’idée que cette dernière meurt gangrenée par ses propres contradictions. La crise du programme institutionnel, la grande machine axiologique, qui organisait le monde social, est une implosion. Il écrit que « le déclin du programme institutionnel procède de l’exacerbation de ses contradictions latentes, quand il n’y a plus la capacité idéologique de les effacer, quand il n’y a plus la force de réduire les paradoxes qu’il pouvait surmonter par sa « magie » [4]. Le programme institutionnel a correspondu à la mise en œuvre moderne de la sécularisation ; nous vivons aujourd’hui la sécularisation de cette sécularisation ».

L’horizon herméneutique de la crise ou la projection utopique

9 Nous nous trouvons à l’autre bout de la tension polaire en mettant en jeu l’horizon herméneutique du concept de crise. Alors que l’espace fonctionne comme une condition, ce qui nous précède et dans quoi l’on se meut nécessairement, l’horizon est ce qui n’est pas encore donné mais que l’on espère. C’est l’attente. La crise nous l’avons dit, est dislocation, brisure de l’unité ontologique du monde. C’est précisément la non congruence entre le monde dont nous faisons l’expérience et celui que l’on attend. La crise ouvre une brèche qui rend possible un horizon d’attente. Koselleck montre que l’expérience humaine est précisément ancrée dans une configuration tridimensionnelle, passé/présent/futur. Il ne s’agit pas selon l’historien d’une chronologie mais d’une simultanéité qui se déploie dans le présent. Le moment cardinal est le présent dans lequel la communauté fait l’expérimentation du monde. Cette expérimentation du monde est faite, d’une part, à partir de matériaux symboliques de l’expérience des prédécesseurs. D’autre part, la communauté présente se projette vers un horizon. Le futur et le passé sont ainsi rendus présents. En ce sens la catégorie de l’attente révèle que le monde social n’est pas une reproduction mimétique absolue car l’homme n’est pas qu’un « patient » de l’histoire mais un « agent ». Et c’est parce qu’il peut se projeter qu’il peut également refigurer son monde.

La crise est le feu qui permet une telle dynamique car elle révèle à la conscience la nécessité d’une réinterprétation du monde. Elle ne menace pas l’ordre des choses. Elle est le signe patent qui indique la nécessité d’un autrement qu’être qui prévient la sclérose et la pétrification. La lecture herméneutique du concept de crise en fait un vecteur de réflexivité. Berger et Luckman expliquent que la sédimentation est l’une des modalités nécessaires de la construction de la réalité sociale. Elle permet la mise en stock de ressources explicatives d’un état du monde et permet la praxis quotidienne de la communauté sociale. Ce processus n’est efficace que parce que les sociétés pratiquent la réflexivité, ce mouvement de retour sur soi, sur ses habitus (Bourdieu). D’ailleurs Giddens fait de cette catégorie le propre de la modernité. Ce sont les crises qui traversent le tissu social et qui font craqueler le monde, qui sortent la société de son « sommeil dogmatique » pour entreprendre l’examen au terme duquel il est possible de bâtir le neuf (Arendt). L’utopie est le maître mot de l’ouverture herméneutique car c’est à partir d’elle qu’il est possible de défaire le pli idéologique du monde. Il ne s’agit aussi que d’un processus discursif, le déploiement de l’imagination sociale. Elle est en tant que telle du même ordre que l’idéologie mais elle est tournée ailleurs en ce qu’elle refait le monde. Elle est la construction d’une représentation qui reconstruit le monde social tout en déconstruisant la représentation idéologique efficiente jusque-là. La tension continue entre idéologie et utopie, place la crise au cœur de la dynamique sociale.

Le détour ontologique, la crise comme événement

L’événement implique essentiellement le devenir de la nature, son changement incessant, son avancée créatrice. L’objet, par contre, renvoie à une stabilité relative, une permanence. L’événement est ontologiquement moteur. Tout événement étant toujours une découpe illusoire dans un devenir illimité, il est pris dans le processus même du devenir tout entier. Un événement n’est donc pas assimilable à un point sur une droite : tout événement est pris dans cet incessant processus où tout se tient (le futur et le passé, le plus ou le moins, le trop et le pas assez, etc.). Deleuze explique « qu’il n’y a pas de crise mais essentiellement des Devenir ».

Il ajoute qu’«il y a des Devenir qui opèrent en silence, qui sont presque imperceptibles ». C’est ce qui conduit Guillaume Durand à penser que si être c’est devenir, la crise n’est-elle pas alors un concept fallacieux ? ». Comment penser notre devenir en temps de crise ? En se basant sur une philosophie des évènements. La philosophie des évènements libère les hommes d’un être immuable, absolu. « Rien n’est jamais mais tout devient perpétuellement » (Héraclite). Pour ne pas mourir, tout être doit sans cesse devenir selon Héraclite : « ce qui s’oppose à soi-même s’accorde avec soi ». Étudier la crise suppose de s’intéresser aux évènements de l’Histoire et plus globalement à l’Histoire. Effectivement, la logique qui veut que chaque événement historique soit passé par le prisme de l’explication rationnelle, vient se heurter à la contingence de l’évènement. La contingence de l’événement le rend nécessaire pour l’histoire des sociétés humaines. Selon Hegel, sa manifestation est celle du parcours d’un Esprit qui rajeunit au fil de ses figures tout en se renouvelant et transformant lui-même. La crise est pensée comme un processus comportant des éléments de déstabilisation, de troubles d’un certain ordre (social, culturel…) qui tend vers une certaine réorganisation et restructuration pour émerger vers une réalité différente. Hegel écrit que « chaque peuple a son principe propre et il tend vers lui comme s’il constituait la fin de son être ». Plus loin il ajoute que « l’Esprit d’un peuple doit donc être considéré comme le développement d’un principe d’abord implicite et opérant sous la forme d’une obscure tendance qui s’explicite par la suite et tend à devenir objectif ». L’Esprit est dès lors fondateur du devenir d’un peuple. Il conduit un peuple à tendre vers le progrès et le renouvellement de lui-même ou, au contraire, il conditionne son déclin. Tout dépend de la représentation qu’il se fait de lui-même. Héraclite et Hegel affirment la dynamique de l’être. En dépit de leur différence, ils intègrent le mouvement à la nature. C’est précisément dans le cours de l’histoire que l’événement advient, survient, brisant la linéarité historique. L’événement dans cette perspective est inédit. Il fait entrer l’esprit du peuple en contradiction avec lui-même. C’est en ce sens qu’Héraclite écrit que ce qui se contredit se réconcilie avec soi. La contradiction, effet de sens de la crise, est la condition de la réalisation de l’esprit.

Crise, Modernité et réflexivité

La crise est le propre d’un temps qui se donne à penser comme critique de lui-même. La modernité est ce temps qui se construit en se déconstruisant. La modernité est crise permanente puisqu’elle se remet sans cesse en mouvement par la pratique de la réflexivité. Elle abandonne le rêve de fondations ultimes pour se remettre en perspective. C’est en cela qu’elle se pose comme une époque différente de toutes les autres.

Myriam Revault d’Allonnes écrit « que le projet moderne est consubstantiellement habité par la crise. La modernité est un concept de crise » [5].

La crise est essentielle à la vie moderne. Bien plus encore, elle est essentielle à la vie humaine. C’est la condition humaine qui rend fondamentale la vie. Le monde humain en tant qu’il est l’édition porte en lui les stigmates de sa mortalité. Les mœurs, les institutions sont créations de l’esprit humain qui construit dans le mouvement historique.

Le dernier mot revient à Arendt : « Le monde édifié par les mortels en vue de leur immortalité potentielle est toujours menacé par la condition mortelle de ceux qui l’ont édifié et qui naissent pour vivre en lui. En un certain sens, le monde est toujours un désert qui a besoin de ceux qui commencent pour pouvoir à nouveau être recommencé » [6]..

NOTES de lecture

  • [1] Morin E., Pour une crisologie, Communications N° 25, 1976, pp. 149-163.
  • [2]Harendt A., Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Levy, 1961.
  • [3]Ricoeur P., Du texte à l’action, paris, Seuil, 1998, p. 419.
  • [4]Dubet F., Le déclin de l’institution, Paris Seuil, 2002, p. 35.
  • [5)Revault d’Allonnes M., Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, Paris, Seuil, 2010.
  • [6]Harendt A., Qu’est-ce que la politique, Paris, Seuil, 1995.

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