vient de paraître « Les Scrupules de Machiavel » de Michel Terestchenko

J’ai plaisir à vous partager ma lecture de l’ouvrage  Les scrupules de Machiavel, écrit par Michel Terestchenko, philosophe français contemporain, et paru aux éditions Lattès ce septembre 2020.

Ce livre est une belle plongée dans la vie de Nicolas Machiavel. Dès le départ Michel Terestchenko nous le rend présent et saisissable, humain et complexe, attisant notre curiosité et nous mobilisant à le lire. J’aime les rencontres. Celle-ci en est devenue une.

Ce livre est aussi une immersion dans la pensée de Machiavel. Dans un article du Sud-Ouest, le journaliste Olivier Mony qualifie celle-ci d’ontologique, ce qui est à mon sens très juste. Pensée peu connue ou plutôt mal comprise, que Michel Terestchenko au fil de sa plume déplie et nous rend accessible.

Machiavel affirme que les événements qui touchent l’être humain sont imprévisibles et impermanents, enchâssés d’une part dans les maillons de Fortune, « divinité malicieuse et maléfique » (les citations sont extraites de l’ouvrage de Michel Terestchenko), et d’autre part dans la nature insatiable, égoïste de l’être humain pris de passions et d’inimitié naturelle pour ses semblables. Comment alors « quand même », en tant que prince, y gouverner au mieux et faire en sorte que la cité « tienne » ?

Machiavel fait table rase des auteurs de l’Antiquité et de leur vision et visée d’une « humanité faite de pondération, de pitié et de grandeur d’âme » qui endiguerait « la démesure, la violence incontrôlable qui abaissent l’être humain à l’animal et à la sauvagerie du barbare ». Pour lui, cette vision des Anciens est par essence décadente et caduque. Il refuse de s’abandonner à des « constructions « purement intellectuelles ». Il ne veut pas non plus proposer un nouveau système ou régime politique. Son intention est de penser comment en tant que gouvernant concrètement agir dans un monde qui est à chaque instant menacé par le chaos et la destruction.

Machiavel en vient dès lors à un constat essentiel : un prince virtuoso part de la conflictualité. Michel Terestchenko intitule un passage de son livre « de la vertu du conflit », ce qui résume parfaitement la chose. Plutôt que de vouloir résoudre les « conflits sociaux et politiques « dans une visée de la « morale de la sympathie », il s’agit plutôt d’en reconnaître «la vertu stabilisatrice ».

Emerge alors, inévitablement, la question de la violence et de ses limites ; la question de la violence qui serait légitime, que ce soit celle d’Etat ou celle de citoyens pour qui l’action pacifiste est devenue impossible car sans effet.

Et, dans son sillage, le scrupule, qui dès la couverture, dès le titre du livre interpelle et attise notre curiosité. J’imagine que c’est là un point nodal, un endroit qui importe profondément à Michel Terestchenko et le mobilise.

Le scrupule, « une question nécessaire », est ce qui permet selon Michel Terestechenko de poser une limite à la violence. Le scrupule est ce qui permet de contenir une « perte du sens moral » dont le risque est la « justification utilitariste d’un discours moral » ouvrant la voie au « dilettantisme moral » et à l’« indifférence envers le sens des actions humaines ».

Si la notion de scrupule n’a pas été exprimée comme telle par Machiavel, elle est ici ce qui fait lien,à mon sens, entre la richesse et pertinence de la pensée machiavélienne et celle de Michel Terestchenko. Celle que l’auteur a développée dans son ouvrage excellentissime Un si fragile vernis d’humanité (éd. La Découverte, 2007), c’est-à-dire la question de la présence à soi, une expérience et « authentique présence à soi ». Le scrupule à partir de cette présence à soi devient alors ce qui rend possible de poser des limites à la violence.

Le prince virtuoso est celui qui a cette capacité à être présent à lui-même et à son environnement, pour s’accorder dans une action qui sera par moments celle du « moindre mal », et en même temps du mal quand même. Il est capable de « tenir » ouverte la question du mal, « la réalité du Mal, la faculté de le percevoir comme tel et la conscience qu’il touchera des personnes humaines ».

Machiavel, un auteur éminemment moderne et d’actualité, et la question du moindre mal à « tenir » au risque, si non, d’une violence sans limites : sans scrupule. A lire sans modération !

Astrid

 » De Machiavel, on retient souvent l’esprit calculateur et l’absence  d’états d’âme. Mais c’est un autre visage du Secrétaire  florentin que nous dévoile Michel Terestchenko dans cet essai  passionné. Car Machiavel avait bien une morale, adaptée aux  temps de mutation. Nicolas Machiavel se révèle un maître de l’action juste, celle  qui s’adapte aux circonstances. Sans cacher son admiration  pour l’homme, Michel Terestchenko renoue avec la tradition  du questionnement moral, nourri d’exemples souvent bouleversants,  qui a fait le succès de ses ouvrages précédents. Que ses héros machiavéliens aient le visage d’un président  des États-Unis ou de résistants, les scrupules deviennent,  sous sa plume, la condition de la lucidité et de l’action dans  un monde d’incertitude.  » éditions Lattès.

«  Un ouvrage passionnant, à la fois érudit et d’une lecture aisée.  » Olivier Mony, Sud-Ouest

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :