Matière à méditer…. cela se passe chez nos voisins canadiens. Pour le moment.
Article publié le 28 janvier 2020, original ici.
Nous sommes des personnes vivant avec des troubles de santé mentale ainsi que des proches. Nous voulons vous exprimer nos profondes inquiétudes quant à la possibilité de rendre l’aide médicale à mourir accessible dans le contexte de maladies mentales.

Danielle McCann ministre de la santé et des services sociaux
Ayant une connaissance expérientielle des maladies mentales, nous sommes les mieux placés pour savoir combien on peut souffrir pendant certaines périodes. Nous savons combien cette souffrance peut mener au désespoir, comment elle nous prive de notre liberté, lorsque la maladie prend toute la place et qu’elle nous prive de notre capacité de prendre des décisions éclairées. Dans de telles périodes, on en arrive à voir le suicide comme la seule façon de mettre fin à la souffrance. Mais justement, ce ne sont que des périodes.
En effet, les maladies mentales ne sont pas des maladies dégénératives : la détérioration n’est pas inéluctable. Il y a toujours de l’espoir : notre expérience, appuyée par la littérature scientifique, montre que des améliorations peuvent survenir, même tardivement, même dans des situations qu’on croyait désespérées. En fait, la plupart des personnes composant avec une maladie mentale, même sévère, se rétabliront éventuellement, et c’est l’espoir qui est le carburant de ce rétablissement. D’ailleurs, dans son plan d’action en santé mentale, le ministère de la Santé et des Services sociaux met l’accent sur le rétablissement, notamment en priorisant la mise en place de services d’intervention précoce pour des jeunes présentant un premier épisode psychotique.
L’élargissement de l’aide médicale à mourir qui est envisagé nous inquiète profondément. Comment déterminer si la personne est vraiment apte à prendre une telle décision? Comment déterminer qu’il n’y vraiment plus rien à faire, qu’il n’y a vraiment plus d’espoir de se rétablir? Ainsi, nous craignons que cette aide médicale à mourir puisse devenir une assistance à un geste suicidaire d’une personne qui souffre. Et cet élargissement nuirait à l’espoir des personnes composant avec une maladie mentale. Il enverrait une image fataliste, contre l’espoir : ce serait comme si souffrir d’une maladie mentale, c’est comme souffrir d’un cancer en phase terminale, et que dans de tels cas, souhaiter abréger sa vie puisse être une décision éclairée et raisonnable. Imaginez la situation d’un jeune de 20 ans chez qui on diagnostique un trouble psychotique ou bipolaire et qui apprend que c’est parfois tellement douloureux et désespéré que dans certains cas, des équipes de soins acceptent d’aider des personnes avec le même diagnostic à mettre fin à leur vie.
Cette question est complexe, elle ouvre la porte à de terribles dérives, elle soulève des enjeux éthiques primordiaux, elle met en cause le respect de notre dignité et celle de nos proches. À ce titre, une telle orientation ne peut être adoptée en faisant l’économie d’une réflexion. Comme société, nous devons prendre le temps.
Ce que nous voulons, c’est qu’on nous aide à vivre, pas à mourir.
Tous les 40 signataires vivent avec un trouble de santé mentale ou sont des proches.
Signataires: Luc Vigneault, Stoneham. Nathalie Hébert, Stoneham. Myreille Bédard, Montréal. Réjean Savard, Québec. Marie-Josée Blanchard, Longueuil. Marie-Ève Vautrin-Nadeau, Montréal. Frédéric Rouleau, Ste-Anne-Des-Lacs. Lyse Lavoie, Québec. Richard Breton, Montréal. Liette Thériault, Québec. Mélanie Plante, Westmount. Johanne Lavoie, Saint-Jérôme. Diane Plante, Montréal. Louise Plante, Vancouver, BC. Sylvie Mathieu, Québec. Louise Maltais, Québec. Sylvie Bouchard, Repentigny. Louise Daniel, Estrie. Pierrette Beaudin, Québec. Julie Lamarche, Québec. Manelle Slimani, Montréal. Chantale Labrecque, Val-d’Or. Linda Plante, Laval. Marie-Ève Côté, Saint-Gabriel de Valcartier. Milan Vylita, Laval. Marie-Pier Bergeron, Vaudreuil-Dorion. Denis Boucher de Trois-Rivières. Said Slimani Montréal. Marie-Josée Longchamps, Montréal. Andrée Desrochers, Montréal. Anne Bossé, Montréal. VM Abdallah, Montréal. Nathalie Cardinal. Yannick Rhéaume, Bromont. Carlisle Boivin, Gatineau. Denis April, Québec. Sylvain Bisson, Gatineau