Parler d’événements tragiques avec les enfants

Les événements dans l’actualité depuis près d’un mois sont d’une violence telle que les adultes pour beaucoup se trouvent « sans mots » pour en dire quelque chose. Or les enfants ont besoin que quelque chose dans le contact, dans le lien à de l’autre, soit mis en mots. Je relaie un article du site yapaka à ce sujet, article datant d’il y a quelques années, publié à l’occasion des attentats à Paris. Il nous incombe, à nous adultes, d’être attentifs aux enfants que nous entourons, et de mettre de l’explicitation là où l’émotionnel « brut », non pensé, fait le lit du débordement : « Contre le chaos, contre la monstruosité, il n’y a pas d’autres armes que celles de la pensée, de la dignité, de l’attention à autrui, de la construction démocratique permanente ; le travail de la culture…« .

Original consultable ici.

Quand surgit un fait divers dramatique largement relayé par les médias, un événement plus proche comme le suicide d’un parent d’élève ou la mort accidentelle d’un enfant, les adultes se demandent entre autre comment réagiront les enfants. Resteront-ils silencieux ? Poseront-ils des questions? Feront-ils des cauchemars ? Présenteront-ils des angoisses ? Seront-ils surexcités ? En garderont-ils des traces ? Et quelle peut être la «bonne» attitude des adultes, des enseignants, des éducateurs ?

L’horreur dans la fiction et dans la réalité
Chacun a pu faire l’expérience de raconter une histoire terrifiante à un enfant. Et ce conte venait parfois alimenter un passage de vie difficile, une période de cauchemars, mais le plus souvent ne s’accompagnait d’aucune angoisse. Avec les histoires les plus belles et les plus horribles, l’enfant apprend peu à peu le monde. Le monde extérieur bien sûr, mais aussi son monde intérieur, sa vie psychique, son intimité ; donc ses conflits internes, le remue-ménage de ses pulsions avec lesquelles il devra vivre toute sa vie… Mais ce qui permet à l’enfant de se développer par le biais de ces histoires, c’est le fait que l’adulte qui est à ses côtés est paisible, joue avec lui, prend plaisir à raconter… Tous deux savent qu’il s’agit à la fois d’une histoire et de la vraie vie, et la tranquillité de l’adulte assure à l’enfant qu’il n’y a aucun danger actuel.

Assurer ce décodage, dans les histoires ou en regardant la télévision, est extrêmement important car il permet à l’enfant de faire la différence entre la fiction et la réalité, entre son monde interne et le monde réel. De fait, et notamment par la télévision, l’enfant va découvrir le monde qui l’entoure au-delà de la cellule familiale. Et, en le découvrant, il va être attentif à la manière dont réagissent les adultes qui l’entourent.

Les émotions des adultes
Devant une réalité traumatique, il est important que l’adulte soit à même de ressentir ses émotions et de les exprimer à son enfant ; sans quoi, celui-ci risque de penser que pour être adulte il ne faut ressentir aucune émotion. Il fera des efforts pour s’endurcir à ne rien ressentir, ce qui le coupera de l’humanité.

Cependant parfois un article de presse, une émission de télévision peut toucher l’adulte parce qu’elle vient rouvrir des blessures, remuer en lui des souvenirs refoulés… parce qu’elle vient réveiller des pulsions ou illustrer des fantasmes qu’avec son éducation il a pu domestiquer tant bien que mal (Non, il n’arrache plus les ailes des mouches…). L’adulte peut encore être touché parce que le récit met en scène la transgression d’interdits fondamentaux qui permettent le vivre ensemble (Tu ne mangeras pas de chair humaine, tu ne tueras pas, tu choisiras ton époux, ta compagne hors de ta lignée…) Justement, la figure de celui qui abuse de l’enfant, de celui qui l’assassine peut venir nous troubler dans tous ces registres. Est-ce un homme ou un « monstre » ? Et s’il est un homme, en quoi me ressemble-t-il ? Ces questions nous bouleversent profondément et risquent de nous submerger, de nous entraîner dans des paroles, des attitudes, des actes guidés par la seule émotion. Dans pareille situation, les enfants qui sont à nos côtés, ressentant nos émois, peuvent également être saisis d’effroi, d’angoisse, passer à l’acte… Dès lors, dans une telle actualité, se demander comment préparer les enfants ou intervenir avec eux revient d’abord à se demander comment les adultes peuvent éviter d’être submergés par leurs émotions, sans pour autant être insensibles.

Parfois, ils ne peuvent éviter d’être débordés ; il y a alors surtout à trouver la manière de prendre du temps et de revenir plus tard sur ce moment. « Tu vois, hier, j’étais tellement choqué que je n’ai pas pu répondre à ta question… ». Si nous ne parvenons pas à dire quelque chose des émotions qui nous ont touchées, nos enfants risquent de s’imaginer le pire.

Les émotions des enfants
Si les enfants peuvent être contaminés par nos émotions, ils peuvent également être troublés par des images ou des paroles qui sont anodines pour nous. D’où l’importance d’être attentifs à ce qu’un enfant perçoit, par exemple devant la télévision. Attentifs, ou à l’écoute, mais en leur donnant le temps de laisser cheminer leurs questions.

Car un des charmes de nos relations avec les enfants est la manière dont ils posent une question qui nous paraît incongrue – nous parlons de mots d’enfants – ou encore, dans d’autres situations, quand ils viennent toucher des points avec lesquels nous ne sommes pas parfaitement à l’aise. Bien sûr, c’est toujours au moment où l’on s’y attend le moins que surgissent les questions sur la différence des sexes, le comment on fait des enfants ou le pourquoi on ne veut plus voir le tonton… Et bien entendu, l’enfant sait s’il reçoit une réponse authentique ou un faux-fuyant. Il comprend quand on le prend ou non au sérieux, et très vite il saisit s’il peut venir avec d’autres interrogations, s’il vaut mieux s’adresser ailleurs… ou se fermer comme une huître. Laisser un espace aux questions, les laisser venir plutôt que les devancer, les écouter là où en est l’enfant… tout ceci va permettre à celui-ci d’avancer à son rythme, d’exercer sa curiosité, d’aiguiser son intelligence.

Quand le poète dit que la réponse est le malheur de la question, il nous rappelle qu’une réponse ne doit pas venir boucher la question. Quoi de plus mortel que des questions bien tournées et des réponses toutes faites ! Et nous savons à quel point les questions les plus vives, le plus brûlantes ne peuvent être mises en équation, ne font pas appel à un savoir. Une interrogation peut prendre le temps de mûrir, de cheminer, de s’exprimer plus ou moins maladroitement, par des détours. De même, si la réponse reçue laisse quelque interstice, quelque énigme, quelque « je n’en sais rien, mais je te dis ce que j’en pense », le questionneur sera invité à rebondir vers d’autres horizons, toujours plus vastes.

Parler, penser ensemble
Un pédophile fait la Une de l’actualité, une mère de famille a tué son enfant, le père d’un enfant s’est pendu… Contre le chaos, contre la monstruosité, il n’y a pas d’autres armes que celles de la pensée, de la dignité, de l’attention à autrui, de la construction démocratique permanente ; le travail de la culture… Si le «monstre» est tout entier à ses pulsions, l’homme gagne son humanité en évitant d’être emporté par ses émotions grâce à sa capacité de penser à lui-même, à l’autre et au monde qui l’entoure. Il s’agit d’un mouvement où je me laisse toucher par la souffrance de l’autre et où, plutôt que d’en être sidéré, fasciné, je suis capable de penser et parler cette souffrance et, éventuellement, d’agir. L’école ainsi que les associations qui accueillent les jeunes sont bien des lieux où l’on cherche à comprendre, où l’on apprend à penser ; y compris dans les limites de l’impensable. Telle est la responsabilité de l’adulte. Les évènements dramatiques sont chaque fois des occasions de penser ensemble à de nombreux thèmes au fil des questions et sans les devancer : Pourquoi les adultes ne peuvent-ils séduire les enfants ? Quelle est la frontière entre le bien et le mal ? Quelle est la différence entre fantasme et acte ? Pourquoi a-t-on supprimé la peine de mort ? Pourquoi la justice doit prendre du temps et pourquoi le criminel a droit à un avocat ? Qu’est-ce que la présomption d’innocence ? Ou mettre la limite entre la liberté de l’individu et la protection de la société ? Quelles réponses donner ? Impossible de les tracer au cordeau, on peut juste penser ensemble en sachant qu’il n’y a pas de « maître de l’univers », seulement des humains qui tentent de faire de leur mieux dans un monde où, hélas, il y a des catastrophes, des accidents, des meurtres. Depuis l’aube des temps, les hommes ont à la fois cherché à s’en prémunir mais également ont été amenés à vivre avec ce réel, le ciel qui peut tomber sur la tête malgré la potion magique. Reconnaître cette part de non-maîtrisable et faire entendre à l’enfant qu’il y a moyen de vivre avec, c’est également aider ce dernier à grandir.

Le rôle des adultes, des professionnels : organiser le travail, organiser les rituels
Il faut tout d’abord rappeler que maintenir la vie quotidienne, le travail, l’apprentissage scolaire par exemple est une manière d’assurer une stabilité au développement des enfants. Il s’agit également de leur offrir un espace où ils peuvent se concentrer en étant protégé des préoccupations des adultes, des tensions familiales, de l’agitation si pas du chaos.

Parfois le chaos déborde de partout, l’émotion est trop vive, et une des manières d’organiser ce travail de pensée est d’aménager des moments entre professionnels (également bousculés) qui permettent de mieux être à l’écoute des enfants, des adolescents et de saisir les occasions. Mais rien de tel que d’installer dans son institution une culture du rituel.

Les rituels viennent ponctuer la vie, ils font en sorte que tout ne s’écoule pas de manière indifférenciée. Les horaires ou moments tels la remise de résultats scolaires participent des rituels les plus quotidiens. Lors d’événements tragiques qui touchent une communauté, les institutions ont l’habitude de s’arrêter pour une minute de silence (qui aura d’autant plus de valeur qu’elle est précédée d’un moment de parole authentique) ou pour se rendre à des funérailles. Cela vaut la peine également de prendre le temps d’installer des rituels qui sont des moments d’ouverture et de partage d’interrogations, de questions… Ainsi par exemple, dans certaines écoles, un moment de « question de vie » est prévu chaque semaine. Les élèves peuvent y venir avec n’importe quel souci, préoccupation… La communauté éducative qui met ainsi en place une culture de parole (en vis-à-vis de l’écoute) et des rituels pour qu’elle puisse s’exprimer, fait en sorte qu’un événement, quand il survient, pourra être mieux élaboré.

A chaque institution de prévoir ses dispositifs qui l’aideront au mieux en cas d’événement tragique.

« Parler de la guerre avec les enfants » par yapaka.be

Le site yapaka.be est une mine d’informations et ressources pour accompagner les adultes qui accompagnent les enfants et adolescents. Le texte reproduit ci-dessous est paru début mars.

Original ici.

Parler de la guerre avec les enfants

Lorsque des événements tragiques surviennent, les parents, éducateurs, enseignants… se demandent comment en parler aux enfants. Que dire ? Comment ? À partir de quel âge ? Chaque adulte s’interroge sur la manière de rassurer l’enfant en étant attentif à ses questions sans les anticiper.

Dans ce contexte, construire une collectivité éducative autour des enfants est particulièrement porteur pour eux. Chaque adulte amène à l’enfant des éléments de compréhension différents, évoque les questions dans la singularité ou dans le collectif… L’enfant profite alors de ces allers-retours entre les différentes sphères de sa vie (l’école, la ou les maisons…) pour construire à son rythme sa pensée, sa représentation du monde dans lequel il est inscrit.

En créant notamment des espaces, des moments pour parler, l’adulte développe une attention soutenue, ajustée et essentielle au développement de l’enfant. En effet, les enfants qui le souhaitent peuvent alors dire comment ils se sentent, ce qu’ils comprennent, ce qui les questionne sans pour autant être obligés de prendre la parole. Ces espaces collectifs sont pensés par l’adulte pour être protecteurs et non invasifs, le droit de ne rien dire y a sa place. Les enfants, même jeunes, peuvent déposer leurs questions singulières, interroger le sens de « faire la guerre », partager leurs inquiétudes… Avec un groupe d’enfants, il est utile d’avoir en tête que si tel enfant vit dans un contexte familial branché 24h/24 sur l’actualité, tel autre enfant en sera totalement déconnecté par choix parental notamment. Pour certains, le conflit paraitra loin, alors que d’autres y seront très sensibles voire y seront concrètement confrontés par la présence de réfugiés dans leur quartier, leur école, leur famille.

Accueillir les émotions de l’enfant
L’enfant, témoin des conversations des adultes, sent leurs inquiétudes, voit des images, des vidéos à la télévision, sur les réseaux sociaux, entend les nouvelles à la radio… Se montrer attentifs à ses questions, sans les anticiper, en l’interrogeant sur ce qu’il en a compris, en pense ou en ressent, permet à l’enfant de rester acteur de sa pensée et du monde dans lequel il vit.

Dans ces contextes de guerre, l’accompagnement aux écrans est particulièrement important, comme le JT par exemple : interroger sur les images vues et les programmes regardés, sur le ressenti. Prendre le parti de couper l’information en continu, de limiter les temps d’écrans permet également à l’enfant de métaboliser ce qu’il a reçu comme information (par le jeu notamment) et aussi de souffler, rêver et créer.

Les enfants sont de vraies éponges vis-à-vis des émotions des adultes qui leur sont proches et prennent soin d’eux. Ils peuvent être touchés par ce qui se passe dans le monde parfois en ricochet aux émotions, réactions vives ou dépressives des adultes. Dès lors, pour les enfants très jeunes, il pourra être nécessaire de mettre des mots simples pour expliquer que « papa et maman sont inquiets en ce moment, mais ça n’est en aucun cas de ta faute ». Pour les enfants plus grands, cacher nos émotions ne les aide pas à apprivoiser les leurs, à les décoder. Il s’agit plutôt de les « passer au tamis », les filtrer, d’ajuster les mots en fonction de l’âge, la maturité de l’enfant, tout en le rassurant.

Parler, penser ensemble
Dans les lieux collectifs, comme les écoles, ouvrir régulièrement des espaces pour parler (indépendamment de ce qui se passe dans l’actualité) permet aux enfants d’évoquer les petits et grands soucis de leurs vies. Les inviter à s’exprimer sur tout sujet qui les préoccupe, sans présager de ce qui constitue un motif d’inquiétude pour eux, est essentiel. Cela leur montre que des adultes sont disponibles, à leur écoute, et qu’ils n’ont pas peur de prendre à bras le corps leurs questions. Tous les sujets peuvent être évoqués, personne ne doit rester avec des choses lourdes sur le cœur, les adultes sont là, présents, pour aider les enfants à grandir.

Contre le chaos, il n’y a pas d’autres armes que celles de la pensée, de la dignité, de l’attention à autrui, de la construction démocratique permanente, le travail de la culture… L’homme gagne son humanité en évitant d’être emporté par ses émotions grâce à sa capacité de penser par (à) lui-même, à l’autre et au monde qui l’entoure.

L’école ainsi que les associations qui accueillent les jeunes sont des lieux où l’on cherche à comprendre, où l’on apprend à penser ; y compris dans les limites de l’impensable. Telle est la responsabilité de l’éducateur. Les événements dramatiques sont chaque fois des occasions de penser ensemble à de nombreux thèmes au fil des questions et sans les devancer : Pourquoi la guerre existe ? Quelle est la frontière entre le bien et le mal ? Il pourrait y avoir la guerre ici ? Qui sont les « gentils », qui sont les « méchants » ? Pourquoi y a-t-il de la violence ? Quelles réponses donner ? Impossible de les tracer au cordeau, on peut juste penser ensemble en sachant qu’il n’y a pas de « maître de l’univers », seulement des humains qui tentent de faire de leur mieux dans un monde où, hélas, il y a des catastrophes, des accidents, des pandémies, des guerres. Depuis l’aube des temps, les hommes ont à la fois cherché à s’en prémunir mais également ont été amenés à vivre avec ce réel, le ciel qui peut tomber sur la tête malgré la potion magique. Reconnaître cette part de non-maîtrisable et faire entendre à l’enfant qu’il y a moyen de vivre avec, c’est également l’aider à grandir.

Contextualiser à hauteur d’oreilles d’enfant
Lorsqu’on sent les enfants préoccupés par une guerre, un événement tragique, dans un premier mouvement, les laisser s’exprimer sur ce qu’ils en comprennent, ce qui les inquiète, ce qu’ils pensent de la situation est un point de départ pour débattre des grands thèmes de la vie : la vie, la mort, la violence… Un dessin de presse, une chanson offrent également des surfaces de symbolisation qui permettent d’amorcer des discussions, des échanges sur une thématique particulière.

Dans un second temps, si les enfants manifestent de l’inquiétude ou semblent perdus, l’adulte doit pouvoir amener des éléments concrets sur lesquels s’appuyer par exemple, en montrant une carte, une mappemonde. Ces informations géographiques très précises permettront de pouvoir circonscrire un conflit à une zone du monde. Des éléments d’histoire peuvent également permettre de placer les événements sur une ligne du temps : le passé, le présent et l’avenir. En retraçant le fil géopolitique et historique, en parlant des origines du conflit, des différences entre les pays (appartenance aux mêmes instances internationales ou non par ex), en parlant des faits, des populations qui se lèvent ou non contre leur gouvernement… on permet aux enfants de sortir de l’émotion brute, de construire leur esprit critique, de nuancer leur jugement qui peut, pendant un temps de l’enfance, être très dichotomique (les gentils et les méchants). Parler ensemble, de manière factuelle, de points concrets, permet d’apaiser l’imaginaire et peut faire barrage aux angoisses qui se manifestent parfois face au chaos d’une situation.

Il n’est pas toujours porteur de rentrer dans des détails qui dépassent les questions des enfants. Rassurer et attirer leur attention sur la solidarité, l’accueil des réfugiés, les revendications et mobilisations pour la paix sont également des aspects essentiels à aborder avec eux lorsque l’on parle d’une guerre. Cela leur permet d’avoir prise sur une situation, eux aussi peuvent être solidaires si les adultes les y invitent en rassemblant du matériel, des vivres pour les personnes prises dans le conflit. Expérimenter la solidarité est essentiel. Ces moments sont également l’occasion de développer, soutenir l’empathie pour une autre communauté humaine.

Jouer, dessiner, créer… pour comprendre le monde
Les enfants n’ont pas toujours les mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. Parfois même ils ne comprennent pas vraiment leurs émotions, ce qui les traverse… Leur offrir des moments, des espaces, du matériel pour jouer, dessiner, écrire des textes, des poèmes… est essentiel pour les aider à grandir. Grâce au jeu, au dessin, les enfants se « débarrassent » en quelque sorte de ce qui les encombre, ils déposent leurs émotions, donnent forme et couleurs à leurs ressentis. Si les enfants jouent à la guerre dans la cour de récré par exemple, c’est parce qu’ils saisissent là une occasion pour élaborer leurs questions, éprouver leurs sentiments. La tâche de l’adulte, alors consciemment en retrait, consistera à garder une attention vive afin de vérifier que les règles ne débordent pas : de veiller à ce que tous les enfants soient consentants, qu’ils restent dans le symbolique du jeu… Jouer aide à grandir, à comprendre le monde, à créer, à apprivoiser ses peurs, à se construire…

Le rôle des adultes, des professionnels
Rappeler que maintenir la vie dans sa quotidienneté, le travail, l’apprentissage scolaire par exemple est une manière d’assurer une stabilité au développement des enfants. Il s’agit également de leur offrir un espace où ils peuvent se concentrer en étant protégés des préoccupations des adultes, des tensions familiales, de l’agitation si pas du chaos.

Quand nous sommes nous-mêmes trop envahis par le chaos, l’émotion, il est important de pouvoir s’ouvrir à un autre adulte, un collègue, un groupe d’amis… Ce sas permet souvent de prendre un peu de recul et d’éviter d’envahir les enfants avec nos propres peurs et angoisses.

Quand un sentiment d’impuissance nous gagne, il  peut également contaminer les enfants. Réaliser des actions très concrètes même à petite échelle permet de se sentir acteur dans la vie et dans la communauté humaine en nous reliant les uns aux autres. On peut se mobiliser par exemple en envoyant des dessins, des colis aux enfants qui arrivent dans nos pays, réaliser des chaines humaines qui symbolisent la paix …

Chacune de ces situations de guerre est l’occasion d’évoquer les traits de la vie : les mouvements de paix, les liens que l’on peut tisser les uns avec les autres. Et c’est là aussi l’occasion d’aborder des situations proches de la vie quotidienne de l’enfant : la violence au sein de la cour de récréation, les conséquences sur les amis,…

« Comment faire face à l’anxiété générée par la guerre en Ukraine » par PsyCom

Je relaie ci-dessous un article paru début mars sur le site « Santé Mentale Info PsyCom », et qui donne quelques indications utiles.

Original ici.

Accepter l’inquiétude, limiter son exposition à l’actualité et trouver le moyen d’agir à son échelle par rapport aux événements : autant de moyens qui peuvent nous prémunir contre l’angoisse.

La guerre en Ukraine, depuis l’entrée des troupes russes dans ce pays le 23 février, s’est imposée dans l’actualité. En France comme ailleurs dans le monde, beaucoup de personnes témoignent sur les réseaux sociaux ou auprès des journalistes de l’anxiété que ce conflit génèrent chez elles.

Peter_Lazar/AFP
  • Lire les témoignages réunis par Slate à propos des “montées d’angoisse” 
  • Lire les propos de patients rapportés par la psychanalyste Catherine Grangeard dans sa chronique sur le Huffington Post

Dans les jours qui ont suivi l’offensive russe, la plupart des médias ont interrogé des psychologues ou des psychiatres, sollicitant des conseils pour mieux faire face à l’anxiété. Une réactivité qui montre à quel point la santé mentale est  devenue, à la suite de la pandémie de Covid-19, une préoccupation à part entière.   

Les professionnels de la santé mentale rappellent, comme pour la pandémie, que ressentir de l’anxiété est une réaction adaptée au contexte. Passé la sidération ou l’incrédulité face aux premiers bombardements de l’Ukraine, un nouvel état émotionnel s’installe chez la plupart d’entre nous. Cette anxiété nous place en alerte, nous préparant à agir face à des dangers potentiels. Elle devient problématique si elle perturbe durablement notre quotidien. 

Il est utile de parler de ses inquiétudes avec ses proches et plus généralement, de “s’attarder sur ses sentiments”, selon la suggestion de la psychothérapeute britannique Lucy Beresford. “Il faut du courage pour rester dans le moment présent avec ses sentiments, car on peut avoir peur d’être submergé, affirme-t-elle au Huffigton post. Mais se murmurer à l’oreille le mantra ‘ça aussi ça va passer’ est très efficace.”

  • Lire ses conseils et ceux d’une psychologue réunis par le Huffington Post

On peut limiter l’exposition aux informations sur la guerre en Ukraine pour préserver sa santé mentale. Il ne s’agit pas de se couper de l’actualité, car on a besoin de comprendre ce qui se joue pour diminuer le niveau d’incertitude. Cependant, la vigilance est de mise avec les images, dont l’effet est plus marquant que les textes, et avec les chaînes d’information en continu, dont le principe même incite à rester devant l’écran. 

  • Lire l’article du Progrès ou celui de l’agence de presse Destination santé sur La Depêche du Midi
  • Vérifier les nouvelles trouvées sur les réseaux sociaux et mieux repérer la propagande des différents camps en consultant la rubrique Factuel de l’Agence France Presse ou la rubrique Vérification du quotidien Le Monde

Si on a des enfants, on peut trouver des mots adaptés à leur âge pour leur expliquer ce qui se passe. Il est utile de choisir un moment où l’on est parvenu à prendre un peu de recul, sans tenter de cacher ses émotions pour autant.

  • Lire l’entretien avec la pédopsychiatre Marie-Rose Moro sur La Croix
  • Lire sur Slate le point de vue d’une médecin généraliste américaine, Deborah Gilboa, interrogée par le quotidien britannique The Independant

Enfin, se montrer concerné et solidaire avec les victimes du conflit, agir à son échelle et défendre les valeurs auxquelles on croit sont des moyens efficaces de lutter contre le sentiment d’impuissance, un des moteurs de l’anxiété.  

  • Lire l’article de la radio télévision publique belge RTBF
  • Rejoindre une initiative près de chez soi, à partir de la carte établie par les radios publiques locales France Bleu

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