Le site yapaka est une mine d’information et de ressources pour parents et professionnels. Sur la question du « jouer », rappelons le distingo que Winnicott fait entre « play » : jeu ludique, libre, sans règles a priori, et « game » : jeu organisé socialement (p.ex. les jeux de société). Les règles du « game » constituent des protections contre l’angoisse qu’est susceptible de susciter l’expérience de l’informe, là où le « play » offre donc de l’inconnu, de l’imprévisible. Pour Winnicott, jouer est spontané et universel et il considère que ce qui fait que l’enfant est capable de jouer revient à questionner « ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue » (Winnicott, 1971).

Dès la naissance, le jeu apparaît comme une activité aussi spontanée qu’essentielle pour le bébé. Le bébé joue d’abord avec son corps, sa voix, puis tout doucement commence à s’intéresser aux autres. La notion de jeu s’apparente à celle de découverte mais il a aussi besoin de partager ses découvertes avec les adultes qui l’entourent. Tous ces moments de jeu sont propices au développement du lien entre l’enfant et son parent. De même lorsque l’adulte s’ouvre à l’univers de l’enfant, se met à son niveau, il met en place des moments de complicité qui tisseront sa relation de parent. Il n’est pas nécessaire à cet âge d’introduire des jeux compliqués et complexes, le jeu peut prendre la forme de chatouilles sur le ventre, de cache-cache derrière les mains… Toute activité peut être propice à un moment de jeu, d’échange et de plaisir.Quand l’enfant grandit, les jeux commencent à s’étoffer, du bricolage aux jeux de société… et en alternance, même s’il est nécessaire que l’enfant puisse jouer seul et comprendre que les parents ne sont pas à sa disposition 24h/24. Il est important de prendre le temps de jouer avec lui pour plusieurs raisons.
D’égal à égal
Lorsqu’ils jouent, les parents et enfants apprennent à se découvrir autrement, dans des positions différentes que les classiques places de parents, d’éducateurs et souvent d’autorité qui en découlent. Il s’agit d’un temps hors du temps. On peut tout à fait imaginer que les conflits soient mis de côté le temps du jeu ou au contraire qu’ils soient exacerbés quitte à les défouler lors d’une partie. Le jeu peut faire office de médiateur, de tierce personne.De plus il impose les mêmes règles pour tous les joueurs autour de la table peu importe leur position au sein de la famille, même si ces règles peuvent avoir été préalablement modifiées et aménagées afin de parfois combler les différences par exemple d’âge ; c’est aussi ça le plaisir du jeu, celui d’en modifier collégialement les règles.Le jeu permet à chaque membre de la famille (parent/frère/soeur) de découvrir une facette insoupçonnée du caractère de l’autre. Le père ne connaissait pas sa fille d’habitude si réservée, frondeuse et audacieuse. Quant à sa fille elle ne le connaissait pas mauvais perdant, ni que sa mère arrivait à bluffer sans complexe. Toutes ces découvertes amènent l’enfant à porter un regard différent sur ses parents, et par là même, à grandir. Les familles ressortent plus fortes et plus unies de ces expériences ludiques.
Le « faire semblant »
Le jeu permet également de « faire semblant » de rejouer les expériences de la journée et par là de les évacuer, d’endosser des personnages que l’on n’aurait pas possibilité d’endosser dans la « vraie vie », à l’adulte d’être garant de la frontière entre la réalité et le jeu, parce que jouer c’est avant tout transformer la réalité.Le jeu peut avoir des vertus de reconstruction de la confiance en soi parfois malmenée lors de la vie scolaire. S’il joue dans un jeu où il est très bon, l’enfant peut se sentir valorisé alors que dans la cour de récréation il a l’impression d’être toujours mis sur la touche. A contrario, il peut parfois être nécessaire d’aider l’enfant à vaincre sa blessure narcissique créée par la perte de la partie, le jeu étant un moyen subtil de réguler le sentiment de toute-puissance de l’enfant.
La transmission
Jouer avec son enfant est l’occasion de transmettre des savoir-faire (jeux de construction, sport, cuisine…), des valeurs (esprit d’équipe, fair-play, respect des règles…), des souvenirs d’enfance. À condition que le parent les mette lui-même en pratique et joue vraiment le jeu.Dans ces moments-là, pas question de rappeler à l’enfant son manque de concentration « comme à l’école », ni de s’énerver parce qu’il a dépassé, ou de s’impatienter parce qu’il ne comprend pas assez vite. Lorsque l’on sort du jeu, la magie est rompue. Pas question non plus de tricher, de le laisser gagner à tous les coups. D’abord, il n’est pas dupe, et ce faux succès est dévalorisant.Jouer permet aussi à l’enfant de gérer sa frustration : celle de devoir attendre son tour, d’être malchanceux, de perdre aux dés….. Jouer lui permet d’intégrer l’existence de règles imposées par le jeu et de se rendre compte que ses parents sont soumis à ces mêmes règles.
Un plaisir avant tout
Cet apprentissage se fait d’autant plus facilement que la notion de plaisir est présente des deux côtés. Selon l’histoire personnelle de chacun, la manière de jouer, les choix des jeux diffèrent. En effet, certains adultes qui n’ont pas eu l’occasion d’éprouver le jeu de façon positive enfant auront d’autant plus de difficultés à s’y investir adulte. Et rentrer dans un jeu qui mette à mal sa capacité de jouer parce qu’il « faudrait » y jouer pourrait créer une tension négative, l’envie de jouer doit pouvoir être présente à l’instigation du jeu. Par ailleurs, il n’est pas toujours nécessaire de créer « un espace jeu », tout peut être propice au jeu et des petites séquences de jeu peuvent trouver place dans la vie quotidienne comme barboter dans l’évier, prendre le tram, cuisiner…
Ci-dessous un entretien avec Sophie Marinopoulos (02:20), psychologue, psychanalyste.
Les activités ludiques ont une fonction fondamentale dans la croissance et le développement de l’enfant. Le jeu tel des expériences répétées et chaque fois nouvelles, permet à l’enfant de franchir des étapes au gré de son développement. A ce titre, le jeu est thérapeutique et l’enfant en jouant est son propre thérapeute.
Jouer renforce ses fondamentaux de base, tel se représenter l’absence, jouer des situations difficiles, découvrir ses propres limites…Cet aspect est essentiel pour l’enfant qui par le jeu expérimente ses aptitudes, développe une persévérance pour les dépasser mais aussi apprend à renoncer ; ce processus d’apprentissage fait partie de sa santé psychique.