» Pourquoi ce principe qui se voulait un principe général d’action s’est-il, le plus souvent, transformé en un principe d’abstention ou d’inhibition, voire de délation ? Pourquoi ce principe a-t-il largement dépassé sa visée première des dommages collectifs prenant allure de catastrophe pour s’appliquer désormais aux dommages individuels ? Pourquoi cette plongée de l’homme de la précaution dans une défiance de principe face à l’inconnu et à la nouveauté plutôt que son attrait ? Pourquoi ce retranchement dans le doute sans fin et la suspicion sur tout, même sur ce qui est tout simplement bon, et, a fortiori, sur tout ce qui est complexe et incertain ? Pourquoi ce besoin de maîtrise sur tout, y compris, et peut-être surtout, sur l’autre ? Pourquoi désormais cette bascule systématique dans l’évitement du pire plutôt que la quête du meilleur ? Dans l’affliction d’un avenir sur lequel plane la menace qui angoisse plutôt qu’un parti pris du futur avec ses affects joyeux grâce à ses anticipations désirantes ? Dans un immobilisme inquiet où il n’est nul repos ? «
Extrait d’un article paru dans Rhizome, n° 39, juillet 2010 ( article complet : ici)
par Dominique DEPRINS, psychanalyste, professeure de probabilités et statistiques aux Facultés Universitaires St-Louis à Bruxelles, membre du Collège pluridisciplinaire d’experts de l’Observatoire du Principe de Précaution