Miviludes et dérives sectaires dans le contexte sanitaire actuel

Une interview qui permet de rappeler l’existence et la pertinence de la Miviludes pour lutter contre les dérives sectaires.

Rejet de la médecine conventionnelle et des vaccins, remède miracle, promotion du jeûne… La crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19 offre-t-elle une nouvelle occasion de propager des discours potentiellement dangereux, pouvant présenter ou renforcer des dérives sectaires ? Réponses avec Anne Josso, responsable de la Miviludes (1)

La Miviludes appelle à être très vigilant vis-à-vis des mouvements sectaires, encore plus en cette période de crise sanitaire liée à la Covid-19. Pourquoi ?

Qu’ils soient religieux ou spirituels, et plus encore ceux qui prétendent détenir l’unique méthode pour accéder au bien-être et à la réalisation de soi, tous ont adapté leur discours à la situation. Les proches des personnes concernées nous contactent parce qu’ils sont démunis devant des comportements dangereux (arrêt d’un traitement éprouvé, jeûne extrême), l’adoption d’affirmations virulentes contre la médecine et la science, l’emprise d’un pseudo-thérapeute. Certaines nient même la réalité de la pandémie de Covid-19 !

Comment ces mouvements s’y prennent-ils pour convaincre ?

Leur rhétorique complotiste est particulièrement efficace. Les gourous thérapeutes maîtrisent parfaitement les mécanismes qui font adhérer à un discours et qui conduisent parfois à une altération du discernement. Ils savent exploiter la peur et les incertitudes, les vulnérabilités liées à l’isolement, notamment le caractère anxiogène de la pandémie de Covid-19 durant la période de confinement. Les recettes sont connues et efficaces : partir de faits réels, les agencer pour fournir une compréhension globale et bien construite de la situation qui conduira à adopter logiquement de nouveaux comportements. La théorie du lien entre la Covid-19 et le déploiement de la 5G est un bel exemple : elle offre à la fois une explication globale de la crise sanitaire, invalide les discours scientifiques et justifie la défiance face aux recommandations des autorités. Et, dans le même temps, elle peut permettre de Valider des pseudo-solutions pour se prémunir des risques.

La Miviludes a-t-elle changé ses méthodes d’approche pendant la période de confinement ?

Le confinement n’a pas eu beaucoup d’impact sur notre travail qui repose largement, aujourd’hui, sur un système d’information et des saisines en ligne. En revanche, la nature des signalements en lien avec la pandémie nous a conduits à porter davantage attention aux discours diffusés sur les réseaux sociaux, dont le rôle déjà très important dans les phénomènes d’emprise sectaire s’est trouvé renforcé.

À partir de quel moment une dérive thérapeutique devient-elle sectaire ?

Lorsqu’elle essaie de faire adhérer le patient à une croyance ou à un nouveau mode de pensée. Prétextant l’inutilité des traitements conventionnels, le pseudo-praticien va demander au patient d’avoir toute confiance en lui, prétexter être le seul à proposer la méthode « miracle » qui peut le guérir. Il y a un endoctrinement, une sujétion psychologique qui, petit à petit, conduit le patient à rompre avec la médecine conventionnelle, avec sa famille et son environnement habituel.

Autrement dit, une emprise mentale ?

Oui ! Une forme d’assujettissement ou de domination qui dépossède la victime de ses capacités de discernement et de son libre arbitre. La personne sous emprise ne se rend pas compte qu’elle obéit jusqu’à agir contre son intérêt.

Comment les conseillers de la Miviludes agissent-ils, alertent le grand public et sensibilisent les forces de sécurité ?

Ils coordonnent l’action des services économiques et de protection des populations de l’Etat, collaborent avec les autorités de santé (ARS, conseils ordinaux, etc.), travaillent au cas par cas et échangent directement avec les personnes qui s’adressent à eux pour analyser chaque situation et déterminer la conduite à tenir: Par ailleurs, notre site Internet et notrè rapport d’activité (2) orientent sur les risques sectaires. La presse constitue un précieux relais des messages de vigilance. Et. chaque année, nous conduisons de nombreuses actions de sensibilisation et de formation en direction des agents publics.

Propos recueillis par Carine Hahn

(1) Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

(2) À paraître fin septembre – derives-sectes.gouv.fr

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