« La crise, et après ? » par Daniel Coum

Interview donnée par Daniel Coum à la revue Sillages de janvier 2021.

Depuis le début de la crise sanitaire, les psychologues de l’association Parentel ont écouté, plus encore qu’à l’accoutumée, les vies et les difficultés de vivre des parents, des enfants… Face à un contexte inédit, incertain, changeant, ils ont pu dessiner avec eux les contours d’un avenir à reconstruire ensemble.

Comment, en tant que psychologue, abordez-vous cette année qui démarre ?

2020 aura été une année éprouvante pour tous. Nous avons vécu là l’expérience collective d’une crise sanitaire, économique et sociale. Quelque chose d’exceptionnel a eu lieu, qui a contraint nos vies de manière massive. Chez Parentel, nous abordons la nouvelle année avec la conscience aiguë de ce qu’il y aura eu un avant et un après une crise dont nous savons qu’elle n’est pas finie. Et même si nous n’avons pas tous vécu des situations dramatiques, personne n’en sort indemne.

Comment cette crise s’est-elle traduite sur l’activité de Parentel ?

Au moment où on n’avait plus le droit de se rencontrer, les permanences téléphoniques* ont retrouvé toute leur nécessité, et nous sommes restés sur le front, avec une forte augmentation des appels, de l’ordre de 30 % en moyenne.

La devise de Parentel est « Il n’est pas facile d’être parents ». Ces derniers ont beaucoup fait appel à vous ?

Oui, notamment pour le premier confinement : ils ont témoigné d’un excès de charge mentale, d’un poids supplémentaire. Ce premier confinement leur a imposé de jouer tous les rôles : parents, adultes, enseignants, animateurs pour les loisirs de l’enfant, et ce 24 heures sur 24… Selon moi, c’était mission impossible !

Au final, comment s’en sont-ils sortis ?

La fonction de parents, c’est d’ouvrir les enfants sur l’extérieur, de permettre à un petit enfant de devenir un peu plus grand, jusqu’à être un citoyen. Chacun s’est situé différemment face à la mission impossible du confinement. Ceux qui ont relativisé, relâché la pression, s’en sont sortis au mieux. Ceux qui se sont appliqué une sorte d’exigence féroce à l’égard d’eux-mêmes, et donc finalement à l’égard de leurs enfants, ont eu du mal. Notre rôle a été de les aider à relativiser, de les aider à trouver, chacun à sa manière, une marge de  liberté dans un univers contraignant et menaçant.

Et les jeunes ?

Leurs témoignages ont bien rappelé qu’être adolescent, c’est échapper au contrôle parental, cette proximité physique et affective qui insupporte les ados. Parce qu’être adolescent, c’est en sortir, ce qu’ils ne pouvaient plus faire en étant confinés. Mais il y a eu, aussi, cette révélation : eux qui sont de grands consommateurs d’écrans et de relations à distance via les réseaux sociaux, se sont rendu compte, au moment où ils n’avaient plus que cela, que ce n’était pas assez : que la rencontre physique et le toucher leur manquait !

Vous avez aussi écouté les plus âgés…

Il y a eu beaucoup de témoignages autour de la solitude, de l’isolement. C’est la question de la solidarité qui s’est posée, et à Brest, je crois que la ville a plutôt bien rempli ce rôle, pour être à leurs côtés, et rappeler la nécessité de faire attention les uns aux autres. D’ailleurs, il y a eu des solidarités magnifiques qui se sont jouées à l’occasion de cette crise, au sein des Ehpad, des familles, des immeubles…

Quelle “leçon” retenez-vous de cette période ?

Nous nous sommes tous rendu compte que pour tenir, il fallait trouver des ressources en soi, mais que le bien-être psychologique dépendait aussi de la qualité des relations avec l’autre, les autres. Prendre soin de soi, c’est surtout prendre soin les uns des autres, et c’est cela qui a été réaffirmé avec cette crise.

Comment se reconstruire face à un avenir incertain ?

Si l’on se place du côté de la responsabilité de la collectivité vis-à-vis de la jeunesse, ré enchanter l’avenir est une question de confiance suffisante. Ce qui passe, très concrètement, par le fait de continuer à se projeter ! Cette épreuve nous aura aussi tous obligés à nous réinventer, elle nous aura rappelé collectivement la nécessité de la solidarité collective, ou encore le fait qu’on pouvait se passer d’une consommation à outrance… Ce sont des raisons de se réjouir, de se projeter, pour tirer le meilleur parti de l’existence !

* le service Parents, Pasaj pour les adolescents, Parent’âge, pour les plus âgés et leurs familles, et la Consult, pour les familles issues de cultures différentes.

Propos recueillis par Élisabeth Jard

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