Vient de paraître revue Gestalt n°48-49 « Au bord de la rupture »

EDITORIAL

 » Après « Le vide, et ensuite ? » c’est un numéro double que la Revue Gestalt vous propose pour cette année 2016, grâce gest_048_h138à l’inspiration et au travail des auteurs et à l’implication du comité de lecture. Neuf articles explorent le thème proposé, au bord de la rupture, et sillonnent l’étroite ligne de crête, ces moments sur le fil du rasoir où notre vie peut « basculer » : la rupture intérieure de la psychose et de la décompensation, la violence d’une perte subite et le deuil, la dépression et le syndrome d’épuisement, la névrose de guerre et l’état de stress post-traumatique, l’effraction du traumatisme, le suicide.

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Lucien Tenenbaum  nous a fait l’honneur d’écrire pour la Revue, et ses 3 équilibristes ouvrent ce numéro. Ce texte étonnant, sensible nous fait entrer dans le monde intime de 3 personnes réelles que le cinéma nous a fait connaître : Jean Claude Romand, Séraphine de Senlis et Marguerite (inspirée de la vie de Florence Foster Jenkins). Chacun vit sur le fil du rasoir, tenu en équilibre au-dessus de ses abîmes intérieurs par une forme d’amour et une forme d’art, au bord d’une rupture intérieure, qui advient lorsqu’un élément de l’environnement met leur équilibre en danger et les fait basculer dans un fonctionnement psychotique. C’est avec une forme d’amour aussi, un savoir certain et une connaissance du cœur inspirante, que Lucien Tenenbaum nous les présentent.

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Comment écrire sur ce que l’on a écrit ? L’article suivant est constitué de deux textes, donnant deux voix à une rencontre thérapeutique émouvante : celle de la thérapeute et celle de la cliente, Aurore O. revenue en thérapie après la mort de son bébé de 3 mois. Le projet d’écriture prend forme à l’occasion d’une question d’Aurore O. : où écrire que la Gestalt peut aider des personnes comme moi ? La thérapeute, Anne Carpentier, explore ce qui sous-tend ce projet d’écriture conjointe et fait le pari qu’il est au service du processus thérapeutique. Elle note qu’il nourrit aussi sa pratique en rendant évidente la nécessité du « je-tu » dans toute relation thérapeutique, y compris dans nos dialogues intérieurs et en dehors du temps de séance.

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Un enfant en deuil, une thérapeute qui doit se faire hospitaliser, ruptures. Christelle de la Personne, décrit l’accompagnement fin et attentif de cet enfant et comment le maintien du lien par SMS pendant la séparation contribue au processus thérapeutique.

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Pierre Van Damme revisite la dépression, définie comme une réaction bio-psycho-sociale à une rupture de lien. Dans cet article clair et didactique, s’appuyant sur les travaux de John Bowlby, sur la théorie de l’attachement et sur les neurosciences affectives, il présente la méditation de la pleine conscience pour la prévention des rechutes dépressives, qu’il a réajustée à l’approche humaniste et relationnelle de la Gestalt-Thérapie du lien (ou PGRO).

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Gaëlle Filippi regarde la rupture comme une occasion de se libérer, comme l’expression d’une part de soi jusqu’alors tue. Ce court texte clinique nous donne un aperçu de l’accompagnement d’une jeune femme venue en thérapie à l’occasion d’un burn-out, prémices d’une libération.

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Stéphanie Feliculis nous propose un texte riche, documenté et émouvant sur un sujet peu étudié par des gestaltistes : la névrose de guerre et l’état de stress post-traumatique (ESPT) spécifique à l’expérience de la guerre. Elle évoque le désarroi dans lequel la met l’accompagnement de courte durée mené auprès de militaires qui doivent, après avoir vu la mort, ré-endosser « les habits de la normalité » et/ou repartir en opération. Pour donner voix à ces soldats, parfois peu loquaces lors de cet accompagnement de courte durée, l’auteure choisit de citer de nombreux films de guerre où les personnages nous disent l’indicible.

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En concordance, suivent deux articles sur le psychotraumatisme, thème hélas essentiel dans notre actualité et dans nos pratiques. Claire Paillard, dans un texte à la fois très sensible et didactique, nous guide pas à pas dans ce qu’il convient de faire, depuis les toutes premières heures qui suivent le trauma, (où elle nous enjoint à rétrofléchir nos élans naturels de protéger, déculpabiliser, et dédramatiser – la dédramatisation constituant un déni de la souffrance), jusqu’au patient soutien à donner au client, malgré le sentiment d’impuissance qui peut habiter le thérapeute : comme pour une blessure, « le pansement devra être refait plusieurs fois ». Elle nous rappelle que ce dont l’humain a besoin, c’est d’un autre humain et non pas de techniques et elle nous donne à sentir la densité de présence qu’elle offre à ses clients.

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Avec un regard clairement “PGRiste” (en référence à la Gestalt-thérapie des relations d’objets ou PGRO), Claire Six examine le traumatisme et différencie le traumatisme développemental du traumatisme de l’âge adulte. Elle place le focus sur certains moments de l’expérience traumatique en les illustrant par de courtes vignettes cliniques, puis les analyse au regard des trois étapes de la relation thérapeutique théorisées par la PGRO : reproduction, reconnaissance, réparation.

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Claude Falgas présente l’association « Rebond 35 » de prévention du suicide auprès des entrepreneurs, créée en octobre 2015 par des chefs d’entreprise et les Tribunaux de Commerce de Rennes et Saint Malo. L’auteure, faisant partie des gestalt-thérapeutes pouvant être appelés dans ce cadre, analyse avec finesse et humanité ce qui peut faire basculer un entrepreneur (par exemple, le moment où le Tribunal prononce la liquidation judiciaire de l’entreprise) et nous livre ses réflexions sur ce que propose l’association pour prévenir un passage à l’acte suicidaire : un maillage social de « sentinelles » dont le regard ne se détourne pas, qui réfèrent les entrepreneurs vers un dispositif thérapeutique soutenant la régénération du sentiment d’efficacité personnelle.

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Nombre de petits gris émouvants émaillent le thème de ce numéro des couleurs particulières des ruptures qu’ils illustrent : disparition, perte brutale, rupture de lien, ruptures de la relation thérapeutique, deuils… et reconstruction.

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J’espère que ce fil d’équilibriste tendu d’un article à l’autre, pour reprendre l’image de Lucien Tenenbaum dont on retrouve une trace dans les illustrations de Séverine Bourguignon vous donnera envie de visiter ces abîmes de nos douleurs humaines sans vous y perdre.

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Dans la deuxième partie de ce numéro, nous poursuivons la réflexion sur la clinique de la Gestalt-Thérapie commencée avec le numéro 47. Elle s’ouvre avec un texte de Marie Léon sur l’éprouvé du thérapeute : quelle est la place de cet éprouvé dans le processus thérapeutique, pourquoi s’y intéresser et s’en servir, comment le mettre au service de la personne accompagnée… Voilà quelques unes des questions auxquelles Marie Léon s’essaie à répondre avec toute sa finesse et sa sensibilité clinique.

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Jean-Marie Delacroix vient ensuite nous parler de la posture méditative en psychothérapie. Dans le précédent numéro, il nous avait fait part de sa réflexion sur les processus de conscience et cette réflexion l’avait amené à évoquer cette posture particulière de disponibilité ouverte et non-jugeante qu’il approfondit ici, appuyée sur un exemple clinique.

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La Gestalt-Thérapie a développé la notion de frontière dans sa description des processus psychiques. Josiane Obringer nous fait part de ses observations cliniques sur les difficultés liées à l’effraction de ces frontières en nous invitant à distinguer intrusion et inclusion, la première consistant en une effraction d’une frontière existante et reconnue au moins implicitement, et la deuxième en la négation de l’espace psychique propre de l’autre et donc de ses frontières. Ces questions de frontières et d’enfermement sont tout aussi pertinentes concernant les familles et leurs secrets sur lesquelles nous reviendrons avec Jean-Luc Martineau. Après avoir montré comment la construction d’un secret de famille transforme cette famille en famille à secrets, Jean-Luc développe une vision gestaltiste de cette problématique et du travail thérapeutique avec le patient porteur et participant à son insu d’un secret de famille.

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En écho au thème du vide développé dans notre numéro 47, voici un témoignage clinique très interpellant. Aux antipodes d’une vignette clinique « taillée sur mesure » pour soutenir le propos de l’auteur, Lucie et le vide nous entraîne au cœur d’une relation thérapeutique, au plus près du vécu de la praticienne, Béatrice Valantin. Cette plongée sans concession dans la complexité et la difficulté de notre métier nous invite à réfléchir à ces relations thérapeutiques où les contenus remplissent si bien la séance que nous ne percevons plus les enjeux réels de cette relation.

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En contre-point de ce témoignage clinique, en voici un autre, celui de Françoise Barreau, qui nous fait partager comment elle utilise des techniques de psychodrame morénien adaptées à la pratique en séance individuelle, pour mobiliser sa créativité et celle de son client.

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Cette partie Autres thèmes de notre revue se conclut avec un article dans lequel Emmanuelle Gilloots expose l’état actuel de ses observations cliniques et sa compréhension du Haut Potentiel Intellectuel ainsi que les enjeux d’un accompagnement thérapeutique gestaltiste des personnes concernées.

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Dans la rubrique Documents, nous retrouvons trois membres de la commission recherche qui font le point sur l’état de la recherche en psychothérapie, et plus particulièrement en Gestalt-Thérapie. L’article de Vincent Béjà, Florence Belasco et Lynne Rigaud vous permettra de mieux comprendre les enjeux de la recherche en psychothérapie, ses liens avec la pratique en cabinet, et son importance pour la formation des futurs praticiens. Cet article est une excellente introduction à la conférence internationale sur la recherche en Gestalt-Thérapie qui se tiendra à Paris en mai 2017.

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Ce foisonnement d’articles témoigne de la vitalité de notre communauté gestaltiste et nous invite à regarder autour de nous, à partager nos pratiques et nos interrogations. Deux opportunités exceptionnelles s’ouvrent à nous en 2017 : la conférence internationale sur la recherche en Gestalt-Thérapie en mai, et le 8e congrès du World Council for Psychotherapy qui se tiendra à Paris du 24 au 28 juillet prochain. Ce congrès rassemblera plusieurs milliers de psychothérapeutes autour du thème Vie et Amour au 21e siècle. Le français sera l’une des langues du congrès et toutes les conférences seront traduites, ce qui devrait faciliter la participation des praticiens français. Vous trouverez tous les renseignements sur cet événement sur le site de la FF2P.

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La Revue Gestalt, et à travers elle la Société Française de Gestalt, espère ainsi être un relais efficace et constructif entre les praticiens des différents courants de la Gestalt-Thérapie, dans une ouverture positive et éventuellement confrontante au monde de la psychothérapie. « 

à commander auprès de la SFG ou de cairn.info

 

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